Histoire encyclopédique du cinéma : I : le cinéma Français 1895-1929 (1947)

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LES VEDETTES 465 l'angoisse. II lui faut done, pour qu'elle soit a l'aise, des interieurs charges d'ames et de vices. Des interieurs ou s'agitent des humanities di verses... Et maintenant le masque ! Dans cette face aux traits essentiellement latins, je vois tout d'abord deux yeux en amande. Je ne connais point leur couleur, mais ils doivent etre profonds, bien formes, lis doivent etonner par leur passion, par ce qu'ils expriment. Puis je vois ce front net, volontaire, lisse comme du marbre, cette bouche allongee ou la sensualite s'accroche, ce col et ces epaules harmonieuses, cette chair enfin qui fait penser a un poeme de Baudelaire. Rien de mievre chez cette artiste. Rien de mediocre, mais, au contraire, de la force, de l'originalite, de la saveur. Son jeu est petri d'intelligence. II decouvre des tresors de culture. Quand une autre vedette francaise joue, on dit : « Elle a passe par le Conservatoire... Elle a eu un prix de comedie ! » Mais quand Eve Francis joue, on ne dit rien, on la regarde se mouvoir. On admire comme la lumiere se pose sur sa robe photogenique. On sent des choses interieures. On aime le cinema ! a II y a beaucoup de litterature dans ce portrait et de la moins bonne, mais il y a aussi, ramassee en une formule de huit mots, l'explication la plus complete, la plus precise de la personnalite et du talent de cette artiste : « Quand Eve Francis joue, on aime le cinema ». Mais a cote de ces huit mots, il y en a d'autres : « figure tragique », « tragedienne de l'ecran », « atmosphere pathetique », « chair qui fait penser a un poeme de Baudelaire », « jeu petri d'intelligence », « tresors de culture » qui fournissent une explication non moins complete, non moins precise de sa carriere et de son succes. Eve Francis fut en effet une vedette, mais elle ne le fut que pour un tres petit cercle d'amateurs de cinema, le tres petit cercle qui se mouvait autour de Louis Delluc, de Marcel L'Herbier, de Germaine Dulac, e'est-a-dire la partie la plus intellectuelle, la plus artiste de « l'Avant-Garde ». Pour tous les autres, e'esta-dire pour les directeurs de maisons de production et de location de films, pour tous les directeurs de salles aussi, Eve Francis representait une sorte de phenomene dont il fallait farouchement se garder si Ton voulait mener le cinema vers ses fins naturelles qui sont de gagner de Targent. Et non content de faire aimer le cinema a ceux qui la voyaient, ce phenomene pretendait donner une lecon a tous ceux qui en vivaient ! Louis Delluc, le propre mari d'Eve Francis, n'affirmait-il pas qu'elle avait « du cinema une vision speciale qui est probablement celle qu'il faut ! (1) » Aussi Eve Francis n'apporta-t-elle la collaboration de son intelligent talent qu'aux films de Delluc, de Marcel L'Herbier et de Germaine Dulac : El Dorado, La Fete Espagnole, Le Silence, Fievre, (1) Louis Delluc : « Cinema et Cie » (Bernard Grasset, Edit. Paris 1 919). 30