La Cinématographie française (May - Aug 1937)

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24 ♦ ♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦.♦♦ CINEIffl&m£RAPIIIE ♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦ ABEL GANCE tourne «J'ACCUSE» avec VICTOR FRANCEN C'est un grand sujet que celui du nouveau film d'Abel Gance. C'est le plus effrayant de ces problèmes, celui dont la solution angoisse tous les cœurs, qui est traité dans J'accuse. C'est l'éternelle, douloureuse et cruelle question de la guerre et de la paix que Abel Gance met à l'écran. ABEL GANCE En effet, il y a quinze ans encore, le monde entier avait la guerre en horreur. Aux yeux de tous, elle apparaissait comme un fléau terrible, une horreur à éviter à tout prix. Jusque à ceux qui en avaient profité en étaient lassés. Dans l'humanité entière il y avait contre la guerre un immense accord tacite. Mais le temps a passé. Les circonstances ont beaucoup changé. De nouveau le monde envisage l'idée de la guerre, accepte sans frémir son retour au milieu de nous. C'était hier la guerre en Ethiopie, aujourd'hui la guerre en Espagne. Et, demain, la terre entière peut s'embraser. Guerre! Guerre! Le mot sanglant bourdonne dans toutes les têtes. La chose horrible rôde partout. Hélas ! c'est ainsi. La planète est un immense camp retranché. C'est contre cette folie collective, cette colère exaspérée des nationalismes que Abel Gance lance son J'accuse. C'est du courage, cela. « J'accuse, dit son héros Jean Diaz (incarné par Victor Francen) la guerre de 1914 d'avoir préparé la guerre de 1937. J'accuse la guerre de 1937 de préparer la guerre de demain. » Voilà qui est net. C'est, transposé, le mot fameux de Jaurès accusant, lui aussi, un certain état social de porter la guerre comme la nue porte la foudre. A lui seul, ce thème de la guerre engendrant inévitablement la guerre ce spectacle d'une VICTOR FRANCEN humanité maudite, si, pour vivre, elle doit tuer, tuer éternellement, est capable de fournir les semences d'uni chef-d'œuvre. Mais c'est en pleine pâte de réalité quotidienne. C'est sur fond de vérité ordinaire que Gance déploie les draperies de son imagination géniale. Au grand drame social d'un homme de cœur dressé contre un fléau, il incorpore une idylle. C'est une idylle tragique dont l'intensité et la profondeur d'émotion bouleverse le spectateur. Jean Diaz, le héros de l'œuvre qui garde, d'une blessure reçue pendant la guerre de 1914-18 une fine parcelle d'acier sous son crâne, est à la merci des vagabondages de cette mitraille. Il suffira qu'elle se déplace vers le cerveau et l'attaque pour que cette intelligence supérieure tombe dans la folie. Du même coup, le malheureux perdra l'amour de celle qu'il aime. Lorsque la raison reviendra à Jean Diaz sa douleur sera farouche. Mais, cette âme d'élite, de renoncement en renoncement en est arrivé à n'exister que pour tenir son serment aux fusillés de Vingré : empêcher la guerre ! Ici, il est impossible d'analyser. Le don d'évocation d'Abel Gance, ce génie des foules, ou, comme on dit, des masses, qui font de lui un démiurge de l'écran comme Balzac fut un démiurge du roman, cette souplesse extraordinaire qui lui permet de juxtaposer à une scène dantesque, une églogue et d'être dans le même morceau le Victor Hugo de la Légende des Siècles et le Béranger des Chansons d'amour atteignent dans J'accuse leur extrême pointe de perfection. Un véritable miracle artistique. Abel Garce comme son héros sonde la foi. La foi de Jean Diaz, pour empêcher la guerre, ressuscitera les morts. Et les cadavres jaillis de leurs tombes, dépouillant le manteau de terre qui les étreint, sortiront de la nuit pour rappeler aux vivants leur folie, leur erreur sanguinaire. Ils empêcheront la tuerie. Jean Diaz aura sauvé le Monde et son nom entrera dans la légende. Il est bien difficile de retracer avec une plume les péripéties de ce drame admirable et d'en montrer les beautés. L'encre est incapable de se substituer à l'œil. Or, il y a dans J'accuse un ensemble de visions grandioses, inoubliables, un tumulte de vérités, une magie de sensations qui tiennent du miracle. On n'a jamais encore usé avec ce relief, cette force, cette puissance soutenue, des ressources du cinéma. Du côté interprètes, les noms de Victor Francen, Jean Max, Line Noro, René Devillers disent assez la qualité du jeu. Mais dans un drame de cette envergure, la mise en scène tient le plus beau rôle et l'art du metteur en scène est tout. Abel Gance veut mener à bien une grande et noble action contre la guerre. Il fait, en même temps, une grande œuvre. Julien Vézère.