La Cinématographie Française (1948)

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CINE UN JEUNE RÉALISATEUR FRANÇAIS HENRI CALEF par Jean HOUSSAYE Lorsqu’un peu plus d’un an après la Libération, on présentait à Paris Jéricho, un nouveau metteur en scène s’imposait à l’attention de tous ceux qui aiment le cinéma. Depuis, Henri Calef a réalisé deux films : La Maison sous la Mer et Les Chouans, œuvres qui furent discutées, mais dont le style et les qualités techniques sont indéniables. C’est en 1934 que Calef fit ses débuts cinématographiques ; devenu premier assistant, il participa à trois films, réalisés par Berthomieu, et à tous ceux de Pierre Chenal, depuis L’Affaire Lafarge jusqu’à la guerre. Son métier, Calef l’a donc appris et le connaît à fond et c’est d’ailleurs un point sur lequel il insiste : le metteur en scène doit être un technicien. « Son goût, ses recherches artistiques, un réalisateur ne peut les exprimer que s’il connaît ses appareils, sait se servir des objectifs, contrôler les éclairages. En un mot, il faut que le metteur en scène soit le maître absolu sur son plateau et que, même en s’inspirant de l’avis de ses collaborateurs, il puisse conserver la direction absolue de ce dont il est, en définitive, le seul responsable. » Et Henri Calef regrette fortement que la tâche du metteur en scène soit devenue si décriée. Un bon scénario, un excellent photographe, voilà ce qui importe surtout actuellement pour certains producteurs ; un réalisateur n’est plus pour eux qu’un fonctionnaire enregistrant des plans, collationnant des séquences, La tâche du metteur en scène est pourtant capitale pense Henri Calef qui, dès l’instant où il a choisi le scénario, travaille avec acharnement à sa réalisation en effectuant l’adaptation et le découpage, travail préparatoire dont l’im portance est considérable et dont les qualités et les défauts se répercuteront sur l’intérêt du film tout entier. Le réalisateur de Jéricho estime que les vedettes ne sont pas indispensables pour faire un bon film, même commercial. Le grave défaut de La Maison sous la Mer, le film qui, techniquement, le satisfait le plus, est, selon lui, l’impossibilité qu’il y avait de dominer cette notion « vedettes ». Dans Bagarres, par exemple, dont il vient de terminer les prises de vues, Calef a utilisé moins des « stars » que des acteurs au talent sûr et dont la conscience professionnelle ne s’est iamais démentie. Il se félicite de tous ses interprètes, de Maria Casarès, de Roger Pigault, de Brochard, que l’on n’a vu jusqu'ici que dans des rôles de second plan et à qui il a confié, ici, un personnage très important. Que ce soit d’ailleurs chez les acteurs comme chez les techniciens, la réalisation de Bagarres a suscité un enthousiasme, « provoqué, dit Jean Proal, l’auteur du roman qui fournit le sujet du film, par la foi communicative d’Henri Calef luimême ». Le réalisateur des Chouans préfère choisir et a presque toujours choisi les sujets de ses films. Il est évident qu’un metteur en scène réalise avec plus de goût, avec plus de ferveur, un sujet qui lui tient à cœur. Ce fut le cas de Bagarres. Depuis longtemps déjà, Calef connaissait et Jean Proal et son roman. Depuis longtemps aussi il en avait écrit l'adaptation avec André Beucler et il cherchait sans se lasser, malgré de nombreux déboires, les moyens de le réaliser. Ce fut enfin le producteur Georges Legrand qui, comprenant l’intérêt du sujet, lui permit de le filmer. Et c’est ainsi qu’en trois mois, dans le Midi de la France, en intérieurs, dans les décors de Piménoff et dans des extérieurs qui occupent une place importante, le beau projet d’Henri Calef et Jean Proal prit corps. Sans vain chauvinisme, Calef assure que le cinéma français est un des premiers du monde, car, dit-il, il possède une réserve inépuisable de sujets. 11 déplore que le snobisme s’empare de temps à autre d’un cinéma étranger pour le porter au pinacle, tout en en profitant pour asséner au cinéma national des coups injustes. Avec un peu d’objectivité, on s’aperçoit, par exemple, que le cinéma italien possède non seulement des chefs-d’œuvre, mais aussi des films moyens et d’autres des plus contestables et que la moyenne de la production italienne n'est pas supérieure à la moyenne de la production française. Henri Calef, réalisateur et Jean Proal, auteur de BAGARRES. (Cliché Georges Legrand). « Il n'est pas vrai, ajoute-t-il. que le cinéma américain mérite toutes les attaques dont il est l’objet. S’il y a une crise d’auteurs aux U.S.A., il existe toujours, au point de vue technique, quelque chose dont les réalisateurs français et moimême pouvont faire notre profit. » « Les améliorations qui sont les plus nécessaires en France se situent moins sur le plan matériel que sur le plan physique ou chi mie, c’est à-dire sur la pellicule négative et le développement. Les grues, si elles faciliteraient notre travail, ne sont pas indispensables, Renoir et Feyder ont fait des chefsd'œuvre sans elles. Par contre, la qualité de la pellicule est indispensable. » Telle qu’elle est, la couleur n’offre aucun intérêt pour réaliser de bons films. Tant qu'elle ne respectera pas les blancs et les noirs, c’est-à-dire lorsqu’elle sera devenue en fait autre chose que de la couleur mais la représentation fidèle de la vie, Calef n’y voit qu’un bariolage sans portée et sans avenir. La technique cinématographique n’en est pas moins pour cela en perpétuelle modification et chaque jour des essais, des améliorations viennent apporter de nouveaux éléments. Pour Bagarres, le réalisateur a ainsi employé très souvent un objectif de 28 qui donne aux images une profondeur de champ qui fait reculer l’horizon et englobe la plus grande partie du monde possible. Ainsi, pour ce film, que nous verrons à la saison prochaine, et nous l’esp'érons pour toutes ses futures réalisations, Henri Calef, comme dans ses films précédents, a apporté à son sujet un amour de son métier, une recherche de son style qui en font un de ces metteurs en scène dont on attend chaque production avec impatience. Son style, c’est celui qui consiste à atteindre la vraie grandeur par la simplicité, voire même le réalisme, c’est le courage authentique des résistants, si près de nous, de Jéricho, c’est le destin tragique des amants malheureux do La Maison sous la Mer, des Chouans, le drame passionnel des protagonistes de Bagarres. Nous ne saurions terminer sans souligner un fait qu’Henri Calef considère comme très grave pour l’avenir du cinéma français. C'est la floraison toujours plus dense des « Histoires du cinéma ». Le cinéma n’en est encore qu’à ses balbutiements et déjà on le codifie, on le découpe, en le triture, comme s’il s’agissait d’une science ancienne. Convaincus par ces doctes traités que le cinéma n’est plus que du passé, il s’établit chez les jeunes un complexe d'infériorité très dangereux. Pourquoi tenter de faire quelque chose de neuf, quelque chose de bien, quelque chose de grand, puisque tout a déjà été fait, été dit, été classifié ? « Certes de grandes œuvres ont été réalisées, mais il en est d’autres à faire. Parlons un peu moins du cinéma, travaillons pour lui un peu plus. », — Jean Houssaye, Henri Calef pendant les prises de vues de BAGARRES. (Cliché Georges Legrand)