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LACiNÉMATOGRAPHiE FRANÇAÎSE
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SELECTION
peut assurer des succès français aux U. S. A.
par Robert FLOREY
Les corporatifs américains nous apprennent que les producteurs français ont enfin décidé d’unir leurs efforts en ce qui concerne l’exploitation de leurs films aux Etats-Unis et que certaines productions importantes seraient présentées dorénavant non plus seulement dans les salles spécialisées, mais également dans les autres cinémas.
La production française prend une place de plus en plus importante sur le marché américain. Dans les grandes villes on en passe de cinq à six chaque semaine, beaucoup font des recettes loin d’être négligeables. En douze mois La Symphonie Pastorale a accumulé plus de quarante semaines de programmation dans différents cinémas de Los Angelès. Au lieu de continuer à vendre ou distribuer, un peu au hasard, les films français, il est indispensable d'ouvrir, non seulement à New York, mais dans toutes les villes importantes, des bureaux centraux chargés de la distribution et de l’exploitation de ces films en commun, avec, sur place, des représentants de l’Association des Producteurs français. Si les noms des artistes, des auteurs et des metteurs en scène français ne sont pas encore très connus du grand public, les étudiants des universités qui forment une grande partie des « payants », savent très bien, eux, quels sont les vedettes et les techniciens des nouveaux films présentés ; ils peuvent même prononcer correctement leurs noms. Pendant plus de deux mois Le Diable au Corps fait salles combles au Theatre Uclan, situé à Westwood, entre Beverly Hills et Santa Monica. Westwood est le quartier universitaire de Los Angelès. Durant ces derniers mois, il m’a été donné de visiter les salles spécialisées de New York, Chicago et San Francisco ; c’est ainsi que je vis Le Diable au Corps à l’élégant Cinéma Paris, à New York, payant pour deux fauteuils l’équivalent de mille francs français ; la salle était pleine, on attendait même devant la porte. En bavardant avec les exploitants de ces différentes villes, j’ai appris à mieux connaître les goûts de leur clientèle. Le public américain (celui qui paie pour voir des films français) aime les sujets gais ou les histoires dramatiques « d’esprit noble » comme on le dit ici. Le film « noir » apprécié des critiques fait de moins bonnes recettes. Dédée d’Anvers excellemment mis en scène, techniquement parfait, admirablement interprété, n’a tenu que quelques jours il sortait, à Los Angelès, dans trois théâtres à la fois, accompagné d’une grosse publicité dans les quotidiens la critique fut meilleure qu’elle ne l’est généralement pour les films étrangers, louangeant Yves Allégret et ses vedettes, mais dès le deuxième jour, les salles étaient quasi-vides. Même chose pour l’intéressant Quai des Orfèvres, tandis que La Belle et la. Bête, L’Eternel Retour et La Symphonie Pastorale passent et repassent pendant des mois en battant tous les records. Quels sont les noms qui attirent les spectateurs ? Pourquoi la publicité américaine n’exploite-t-elle jamais ceux des metteurs en scène ? Les noms des étoiles d’abord, avec, venant en premier, le regretté Raimu dont on reprend sans cesse La Femme du Boulanger, César et les autres films de Marcel Pag'nol, puis ensuite Pierre Fresnay (mais Monsieur Vincent porté aux nues par la presse n’a cependant pas fait les recettes espérées) . Après Pierre Fresnay viennent Jean Marais, Louis Jouvet, Jean Gabin, Pierre Blanchar, Fernand Gravey, Fernandel. Maurice Chevalier, Dalio, Tino Rossi, Charles Vanel. Jean-Louis Barrault, Michel Simon et Sacha Guitry, dont le nom, garantie de succès, est exploité en lettres électriques énormes à la porte des établissements passant ses films. On commence aussi
à connaître Gérard Philipe et Michel Auclair. Du côté féminin, Michèle Morgan, Micheline Presle, Arletty, Edwige Feuillère, Viviane Romance (qui est si populaire que les annonces aux journaux mentionnent parfois simplement « Un nouveau film de Viviane Romance », sans même en indiquer le titre!), Gaby Morlay, Madeleine Sologne, Maria Casarès, Renée SaintCyr, Yvonne Printemps, Simone Signoret, Danielle Darrieux, Josette Day et Renée Faure.
Lorsqu’il s’agit d’un film d’importance, les acheteurs-distributeurs américains font imprimer un « press-book » (brochure d’exploitation) qu’ils expédient aux directeurs de salle afin de les aider dans leur campagne publicitaire, mais cela n’est pas toujours le cas et il n’y a pas si longtemps, un exploitant de notre ville m'écrivait pour me dire que non seulement il ne possédait aucune espèce d’information sur les films qu’il venait de recevoir de France, mais qu’il n’avait qu’un très petit nombre de photographies (sans indications de noms d’acteurs au dos) et qu’il ne savait pas comment lancer publicitairement ces productions. J’ai eu, en mains, des spécimens des « press books » édités à New York et naturellement, toute la publicité se porte sur les noms connus du public américain, Victor Hugo, André Gide, Marcel Pagnol, Jean Cocteau, Sacha Guitry, etc. Ceux des metteurs en scène apparaissent parfois en caractères minuscules, mais le plus souvent ne sont pas mentionnés, comme ceux de Clouzot. de Jacques Becker, de Bresson, de Christian-Jaque, d’Yves et Marc Allégret, de Maurice Cloche, de Blistène, de Marcel L’Herbier, de Maurice Tourneur, de Lampin, de Daquin, de Raymond Bernard, de Cayatte, de Pottisr, de Lacombe, de Decoin, de Carné, de Biilon, de Dréville et de tous les autres réalisateurs ne sont pas davantage exploités. Il serait grand temps, puisque les producteurs français doivent maintenant conjuguer ici leurs efforts en commun, que le Syndicat des metteurs en scène mette fin à cette situation en exigeant, non seulement la présence du nom des réalisateurs sur le générique, mais également sur toutes les affiches, clichés, annonces et communiqués à la presse, ce qui est le cas pour ceux de René Clair, Julien Duvivier et Jean Renoir très connus ici. De gigantesques placards annonçaient dernièrement : « Venez voir le premier film existentialiste de J. -P. Sartre, Les Jeux sont faits », de même que d’autres lançaient la nouvelle de la première du « Film de Victor Hugo et de Jean Cocteau, L’Amant de la Reine (il s’agissait bien entendu de Ruy Blas) , mais dans ces deux cas, les noms des metteurs en scène n’étaient pas mentionnés. Certains « shorts »
François Périer et Pierre Larquey dans LA SOURICIERE.
(Cliché Gaumont Dist.)
d'origine française sont l'objet de commentaires des plus flatteurs, l’excellent film sur Maillol est montré partout, de même que d'autres documentaires, et ceci est extrêmement intéressant du fait que, dans quelques mois, il sera nécessaire de produire des milliers de bandes de court métrage, afin d’en alimenter les postes de télévision, qui se chiffrent maintenant par centaines de milliers. Quelle magnifique source de propagande pour l’Art français et quelle mine inépuisable de sujets à écouler sur le marché américain. De courtes biographies commentées en anglais (et la partie sonore pourrait se faire à New York), d’artistes, de musiciens, de sculpteurs, littérateurs, peintres, auteurs, personnages historiques français, pourraient être projetées par tous les postes d'émission de télévision, de même que des « Voyages à travers la France » et autres documentaires sur l'industrie. Le jour n’est plus si loin où la distribution de programmes de télévision marchera à la manière du système téléphonique. Selon la longueur du programme désiré, à n’importe que! moment de la journée, il suffira de déposer la somme exigée dans un appareil placé, à cet effet, dans chaque maison et ces spectacles devront être renouvelés chaque jour. Les trois quarts consisteront en films cinématographiques et la production américaine n'y suffira plus, il deviendra nécessaire de faire appel à l’étranger et tout ce qui sera d’origine française sera le bienvenu, car tous les Américains aiment la France. Le rêve de chaque citoyen des U. S. A. n’est-il pas de voir une fois Paris durant sa vie ?
En dépit des rapports de certains producteurs américains en ayant fait l’expérience (ils auraient été assez mal reçus et n’avaient pas trouvé la coopération espérée à Paris), plusieurs compagnies annoncent leur intention d’aller tourner en France. Vingt projets prennent forme. William Marshall doit produire, avec la collaboration d'Errol Flynn, The Bargain et The Confession, dans les studios français, ainsi qu’une Vie de Sarah Bernhardt, dont Micheline Presle, si Zanuck le lui permet, serait l’étoile.
Durant l’année qui vient de s’écouler, la production américaine a continué à marcher au ralenti et le nombre de films tournés n’a pas dépassé celui de l’année précédente, les Indépendants ont maintenant assez de mal à trouver des capitaux et certains n’ont rien fait pendant ces douze derniers mois. Les programmes des cinémas se composent fort souvent de vieux films réédités et l’on montre un assez grand nombre de bandes anglaises. Peu de films sensationnels sont sortis cette année. L’inquiétude continue à régner dans les grandes maisons à propos de la séparation des domaines production et exploitation, les sociétés puissantes perdant le droit de garder leurs chaînes de théâtres. Les dirigeants des studios en sont à se demander s’ils devraient ou produire ou exploiter et ce sont bien entendu les théâtres qui font de l’argent. Les grands studios qui, autrefois, mettaient en chantier soixante films chaque année en sont tombés à une vingtaine au plus et le chômage se fait sentir dans la capitale du film. Les drames historiques se font de plus en plus rares à cause de leur coût de production et l’on a vu beaucoup moins d’histoires de gangsters en 1949, les films d’horreur et d’épouvante semblent avoir complètement disparu, on produit encore certains sujets en rapport avec la dernière guerre, mais les vaudevilles et les comédies musicales semblent faire le plus d’argent, les petites sociétés continuant dans le genre Western et Détective.
Robert Florey.