La Revue du cinéma (1928 - 1929)

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Quand Chaplin apparut (i) Un jour, on vit de giandes a f riches longues comme des serpents s'etaler sur les murs. A chaque coin de rue, un homme la figure couverte d'un mouchoir rouge braquait un revolver sur les paisibles passants. On croyait entendre des galopades, des ronflements de moteur, des vrombrissements et des cris de mort. Nous nous precipitames dans les cinemas et nous comprimes qu'il y avait tout de meme quelque chose de change. C'etait le film, lmite de l'amencain, les Mysleres de New-Yorl(. Le sourire de Pearl White apparut sur l'ecran; ce sounre presque feroce annon^ait les bouleversements venus du Nouveau Monde. Nous comprenions enfin que le cinema n'etait pas un jouet mecanique perfectionne mais le cruel et magnifique ceil d'aujourd'hui. Les petites salles sombres ou nous nous assimes devinrent le theatre de nos eclats de rire, de nos rages et de nos grands mouvements d'orgueil. Sous nos yeux agrandis nous lisions les crimes, les departs, les phenomenes et surtout la poesie de notre age. Nous ne comprenions pas ce qui se passait. Nous vivions avec rapidite, avec passion. Nous pressentions la puissance de la nouveaute du cinema mais il serait faux de pretendre que nous etions absolument satisfaits. Comme a beaucoup, le cinema de 1921 nous permettait d'esperer. On ne pouvait encore s'etonner de la place si restreinte accordee a celui que Ton appelait en France Chariot, mais il etait facile de se rendre compte de l'importance de son role. Charlie Chaplin a reellement « decretinise » le cinema. Cela lui fut facile sans doute parce qu'il etait poete. Je pense qu'il est inutile d'insister sur ce fait et que depuis longtemps tout le monde a compris la difference qui separait tous les films de « Charlot » de presque tous les autrcs films. La poesie est un acide • I) A paraitre d.ms liuropc. plus violent que tous les acides connus. Elle corrompt les combinaisons les plus riches, les plus puissantes. Sa presence oblige a tout recommencer. L'appantion subite de Charlie Chaplin fit eclater les nres les plus significatifs. On peut meme dire que le comique « Chariot » fit scandale. Pour n'en pas perdre l'habitude. certains journalistes de Paris crierent a la decadence, sans vouloir comprendre les raisons du succes extraordinaire de cet extraordinaire acteur. Dans ses premiers films. Charlie Chaplin n'etait en effet qu'un merveilleux acteur. Peu a peu il devint 1'auteur de drames et le plus puissant des metteurs en scene. II semble que Charlie Chaplin d'un coup de sa canne, tel un magicien sounant, ait su donner au cinema une leelle vigueur et un sens nouveau. Tous les films qui sortirent a cette epoque des studios de Los-Angeles savaient plane. C'etaient les longues chevauchees sans un mot, sans un geste inutile, les rapts sensationnels. C'etaient les films de Douglas Fairbanks, de Rio Jim et de Tom Mix. C'etaient les histoires comphquees de banques, de trusts, de mines d'or. Un immense bureau silencieux et la tete d'un homme arme d'un cigare qui pense et sa pensee devient tous les Etats-Unis, toute l'Amerique, le monde entier. Pies de cette tete, un telephone reunit les hommes et l'univers. Pies de portes s'ouvrent, se ferment, et des hommes rudes, des hommes forts, des femmes desesperement fines ou fnvoles entrent et sortent avec le malheur ou le bonheur dans les mains. C'est le cinema transforme par linfluence de Chaplin qui a mis en lumiere le mystere et la beaute de notre epoque mais cette lumiere que Charlie Chaplin a su proteger etait si simple, si naturelle, si peu affectee qu'on l'a a peine remarquee. C'etait pourtant une des plus giandes, une des plus importantes trouvailles artistiques de notre temps. Tout etait renouvele d'un seul coup. PHILIPPE SOUPAULT.