La Revue du cinéma (1928 - 1929)

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DU CINfeMA Et qu'est-ce que ce mepris des sous-titres qui se mamfeste chez certains delicats. Les sous-titres se mepnsent d'un ceil et se lisent de l'autre. Et vous etes bien content de les lire. II existe toute une htterature qui se depose a la surface des espnts (un nombre croissant d'aphonsmes sur 1'image, par exemples) et qui condamne au nom de l'avenir et du tres rejouissant principe esthetique de la « chasse gardee », l'usage de textes dans les films. Je sais de ties beaux soustitres. L'humonstique dialogue entre Zorro et la jeune fille. qui commence par « Mon pere veut que je me marie, c'est bien ennuyeux... » et qui se poursuit avec une rare insolence, coupee de fameux « Avez-vous deja vu cela? » Sans compter la proclamation et 1'insulte que Fairbanks lance a la tete des caballeros et dont le « texte » me semble nreprochable et fulgurant. Et je ne dis rien de ['admirable sous-titre d'Emak-Bakia, 011 Man-Ray imposait aux spectateurs recalcitrants « la raison de cette histoire ». II convient d'ailleurs de remarquer ici qu'il n'y a generalement d'idiots que les titres et les soustitres francais, prohxes, lntemperants et saugrenus. Mais beaucoup de films dits comiques pourraient etre fiers de pouvoir produire, au milieu de Faction, un texte comme celui-ci, qui est une lettre authentique adressee a Chariot: « Cher Monsieur Chaplin. Je vous envoie inclus des reconnaissances du Mont-de-Piete pour les fausses dents de grand-maman et pour notre pot-a-eau en argent, ainsi qu'une note de loyer montrant que notre terme est echu hier. Bien entendu, nous prefererions que vous reghez d'abord notre terme, mais si vous pouvez y arriver, les dents de grand-maman seront aussi les bienvenues. » (1) Je me souviens des Aventures du Prince Ahmad, ou, dans un wonderland inhumain se promenait de rochers en nuages une Alice de l'Orient, et au milieu d'une sorte d'espace de reve, detendu ainsi qu'une plage, un dragon voyageait sans treve. Quand au Prince lui-meme, ll ressemble au Telemaque d'Aragon, c'est « une abstraction qui n'avait pas vingt ans ». J'en arrive au Monlrcur d'Ombres, film d'Arthur Robison. Enfin, un film sachque ! enfin un film oil 1'angoisse de posseder soit le plan unique et profond de tous les actes, de tous les regards, et glisse en tremblant le long de l'esprit, au milieu d'une de ces demeures sublimes ou les ombres egorgent les corps et font reculer devant elles les fausses apparences reelles. On frappe a la porte, c'est minuit qui entre et la souffrance noire de l'amour. Je remarque, dans cette oeuvre admirable, l'extraordinaire rapidite de la folic, et comme son metteur en scene l'a, des les premieres images, rendue necessaire. Les reflets terminent les desirs et partent a leur insu vers la possession. Le drame que fait naitre cette meprise, drame etrangement lointain, feroce et absurde, se poursuit done a la fois sur 1'ombiv el sur la lumiere. Les acteurs de ce film sont arrives a devenir non plus des roles, mais des personnages, au sens magique de ce terme, des masques, ou, si vous voulez, do vrais fantomes. On se souvient de certains Conies Cruels de Villiersde-l'hle-Adam. Ici, la sorcellerie sort des murs. Rappellezvous toujours et toujours NoSFERATU; c'est la meme ligne que suit cette oeuvre. II n'est pas de plus belles experiences des mysteres du Cinema. II est temps de confesser le gout extreme que je porte, en commun avec quelques amis, au films du genre deja ancien de Kean, ou desordre et genie. Je salue l'inepuisable aventure qui pousse les hommes naifs, je salue tous ceux qui sont a la merci d'une rencontre. II va sans dire que Kean n'est pas un film historique. Mais un recul dans le temps, jusqu'a la periode preromantique par exemple (une des plus riches du monde moderne) donne un relief inhabituel aux objets et aux vies, detache d'eux des traits captivants. La force des accessoires. Et ce jeu des acteurs, gonfle, remonte d'effets faciles qui m'enchantent, et Alexandre Dumas qui mouche les chandelles avec un grand rire mystificateur. Le regard noir qui vient d'une loge et qui accourt, pour finir, malgre les vents, aupres de celui qui en est marque. Ou suis-je? Et rien ne m'empechera d'en venir a Chaplin, pas meme le danger trop reel d'en fane une statue, un « type », (oil sont ceux qui se permettent cette affreuse pretention?), sur I air que Ton connait. La baraque s'effondre sur un importateur americain. C'est drole. On ne voit plus meme la bassesses des colosses qui traquent l'Emigrant. Et celui-ci, n ayez pas peur, l'amour lui brule les yeux. Cet homme, lorsqu'il vient en Europe, ses impressions les plus singuheres et les plus sures ce sont les nuits de Limehouse a Londres, nuits constellees des petites Grace Goodnight les plus belles et pour l'Amenque, le savez-vous, c'est la prison de SingSing. Je vous livre un langage cluffre, qui court par clessus vos tetes. ll) Charlie Chaplin, Mes voyages (Kra, ed.). ANDRE DI'.LONS.