La Revue du cinéma (1928 - 1929)

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CHRONIQUE DU MAUVAIS EIL par ANDRE DELONS S'il allait tirer ? Oui vraiment, sans qu'il y paraisse plus d'abord qu'une tres surprenante situation comique, s'il allait tirer, Harry Langdon aux petits yeux, sur la fiancee innocente et d'ailleurs parfaitement hysterique qui se livre avec 1'ingenuite d'une sottise affolante au pistolet decide que cache ce petit gar^on sans pareil ? C'est dans le film Sa derniere culotte ; c'est du, film Sa derniere culotte que je vous parle. Entre autres merveilles, dont la moindre n'est pas d'offrir au spectateur qui n'y comprend goutte un scenario d'une grande et precise beaute, voila que soudain se presente au mauvais-ceil une situation presque jamais vue et presque jamais osee, dont celui-ci se recrie tres haut et se recriera longtemps. II s'agit en effet d'un certain petit Harry qui ne veut pas se marier avec la femme indifferente qu'on lui tend de force, afin de delivrer d'abord, puis d'epouser celle qui 1'eblouit et dont il croit avoir I'amour. Nous y sommes. L'heure est grave, et qui plus est, urgente. Un pistolet de fort calibre est la, qui traine sur une table. Harry ferine les yeux, et ourdit aussitot le reve suivant : il enframe dans les bois sa fiancee a l'instant meme. La, il lui fait fermer les yeux, et compter jusqu'a trente, sous pretexte de jouer. Mors, s'ecartant de quelques pas, il sort le pistolet, vise calmement, tire et tue. Le voila libre. II s'echappe. Nous y sommes. Voila un reve bien audacieux, mais qui n'est pas sans exemple de par le monde. Et si Ton sait en outre la timidite, la gaucherie bien connues, la detresse adorable du heros ici en cause devant les gestes, les decisions et les paroles, on voudra croire, bien sur, au badinage cruel d'un esprit qui s'etiole dans les fausses perspectives de l'imagination. Nous y sommes. Oui, mais voila : trois minutes plus tard, l'enfant ouvre les yeux, s'assure du pistolet, va chercher la fiancee dans son etable, la prend par la main et l'emmene dans les bois (comme tout a l'heure). « Fermez done les yeux, ma cherie, et veuillez compter jusqu'a trente. » Comme tout a l'heure il pr'end du champ, sort son pistolet, et vise. La fiancee compte 26, 27, 28, 29... II fronce les yeux, s'enhardit, raidit le pouce et l'index. Je dis que c'est la sans aucun doute un des moments les plus grandioses du cinema, un des plus surprenants aussi. C'est tombe sur moi comme une douche ou comme un ecureuil. Impossible de s'y tromper. II me faudrait rassembler ici meme l'invocation de quelques films dont il serait vain de redire les noms pour trouver une aussi grande rigueur morale, un enchatnement aussi pur et aussi subversif de l'acte desire a 1'acte qui s'accomplit, une image de scandale tiree si simplement du fond des tiroirs secrets de la poesie, du comique et de I'amour, jusqu'a la lumiere meme du fait. II convient peut-etre d'ajouter que j'etais alors assez degoute des films et assez pret a n'en plus rien attendre. Des lors, le pistolet braque par Harry Langdon 60