La Revue du cinéma (1928 - 1929)

Record Details:

Something wrong or inaccurate about this page? Let us Know!

Thanks for helping us continually improve the quality of the Lantern search engine for all of our users! We have millions of scanned pages, so user reports are incredibly helpful for us to identify places where we can improve and update the metadata.

Please describe the issue below, and click "Submit" to send your comments to our team! If you'd prefer, you can also send us an email to mhdl@commarts.wisc.edu with your comments.




We use Optical Character Recognition (OCR) during our scanning and processing workflow to make the content of each page searchable. You can view the automatically generated text below as well as copy and paste individual pieces of text to quote in your own work.

Text recognition is never 100% accurate. Many parts of the scanned page may not be reflected in the OCR text output, including: images, page layout, certain fonts or handwriting.

rend tout tic suite un peu grave vous-meme, cet homme affreusement inquiet, inquiet comme un homme invisible, dont I'inquietude attentive est le seul moyen de defense en qui il ait confiance ; a moins d'un miracle, tous les autres gens dans le film seront irremediablement des etrangers pour cet etre qui a sans doute le visage d 'homme le plus emouvant du cinema. 11 est impossible d'excuser les adaptateurs francais d'avoir efface le titre Spite Marriage (Manage de depit) pour donner ail dernier film de Keaton cette etiquette peu exacte et peu expressive : le Figurant. Keaton, qui joue au millionnaire en se parant avec elegance des vetements, tous les jours renouveles, qu'il a a passer a la vapeur, se substitue en effet un soir a un figurant pour etre plus pres de Dorothy Sebastian, qu'il est venti voir sur la scene trente-cinq soirs de suite. Mais le drame de 1'histoire, e'est que ladorable Dorothy Sebastian, delaissee par le jeime premier falot et pretentieux qu'elle a le tort impardonnable d'aimer, finit, par bravade — et par depit — par epouser Buster. En face du bonheur affecte de son ex-amant et de celle qui l'a supplantee, insensible a la gentillesse et a I'admiration contenue de son mari, Dorothy s'enivre systematiquement et affreusement. Elle fait scandale dans le restaurant et il faut tout le devouement de Buster pour l'arracher a ses excentricites et la ramener chez elle. A partir de ce moment jusqu'a la fin, que ce soit quand il veut la mettre au lit et qu'elle glisse, inerte, lourde, belle, endormie, plus de vingt fois dans ses bras discrets, ou que, contre son manager, son amant et ses serviteurs ou des bootleggers en action, il s'efforce de la rejoindre, elle lui file continuellement entre les doigts. Buster Keaton traversa, il y a quelque temps, i;ne mauvaise periode (Ma Vache et Moi, le Dernier Round, le Mecano de la General). Cadet d'Eau Douce nous ramena en partie le Keaton des vieux films courts et de Sherlock Junior*detective - dont nous attendons la reedition. Spite Marriage est parfaitement reussi, et Keaton y est de nouveau cet homme gauche avec grace, terriblement simple, timide par modestie, entretenant tout seul de grands reves qui I'entfatnent a prendre de grandes decisions. Les catastrophes qui se declanchent a cause de lui sont le resultat de cette malchance qu'il cultive sans s'en douter, qui l'a habitue a se mefier de lui-meme et, partant, a ne pas posseder cette confiance, ou seulement cette assurance, qu'il faut pour bien conduire les evenements. La desinvolture qu'il se fabrique est demesuree, fragile, et elle se brise des qu'il a le moindre doute. Car, s'il a de grands desirs, Buster Keaton est le garcon le plus discret du monde, et sa sensibilite est tellement aigue qu'il craint continuellement de blesser autrui. II y a longtemps qu'eduque par les rires grossiers, il ne rough plus de sa souffrance, — il la deteste, mais elle est sa raison de vivre. Et puis ! que tout a coup les chaines se brisent, que le danger et I'amour surtout donnent des ailes a ce petit homme qui a tout fait j usque-la a contresens parce que perpetuellement il se sentait agir, parce que son reflet dans une glace cruelle I'arretait, rien ne le retiendra plus : il sera naif et heroi'que, il abattra tout ce qui n'est pas digne de lui et vous aurez honte de I'avoir pris pour un pitre. Ce que vous etiez pret a prendre pour de l'irnbecilite, e'etait du coeur. J. G. Auriol. 69