La Revue du Cinema (1947)

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de jeunesse craintive ou ignare. Il ne sera pas toujours l'illustration de quoi que ce soit; ni une série de paroles commentées par des tableaux ou de tableaux expliqués par des paroles. Il est né de la volonté et de la science et de l'art des hommes modernes pour exprimer plus intensément la vie, pour signifier, à travers les espaces et les temps, le sens de la vie, perpétuellement neuve. Il est né pour être la « représentation totale d'âme et de corps », un conte visuel fait avec des images, peint avec des pinceaux de lumière. Le drame visuel ne peut donc point répéter les procédés théâtraux, quels qu'ils soient. Le film, dans cette Europe décrépite, pourrie de traditions et pourtant pleine de santé et de fantaisie, est encore l'esclave absurde du théâtre. L'infériorité générale de ses réalisations techniques, par rapport au film américain, est indiscutable. C'est que les Américains, race mêlée, race sans race — produit humain, si admirable soit-il, plutôt que race humaine, si détestable fût-elle — n'ont pas de traditions intellectuelles, ne s'embarrassent d'aucune entrave culturale. Ils sont nés, esthétiquement, dans l'art de l'écran, comme tout le vieux monde naquit dans l'art des sons, ou des couleurs ou de la pierre. Ils n'ont rien eu à oublier, pour se jeter, âme tendue, corps perdu, dans la nouvelle création de soi-même offerte par l'homme à l'homme. Ils y sont arrivés, frais, légers, libres de tout, aptes à se montrer vraiment neufs dans un art neuf. Le troisième état de vie invoqué par Nietzsche, l'état de l'innocence de l'enfant qui a tout à apprendre, était leur état. Tandis que nous, nous devons tout oublier, toute une tradition mentale de milliers d'années, toute une orientation spirituelle magnifique vers certaines représentations de notre vie intérieure, toute notre gloire musicale, architecturale, poétique, picturale, sculpturale, parlante et dansante. Notre tâche est bien plus rude. Redevenir enfant, lorsqu'on a été une si grande personne, est particulièrement difficile. Nous ne pouvions pas nous jeter dans les nouvelles voies représentatives de notre sensibilité, comme les Américains. Eux, ils n'avaient qu'à apprendre et à chercher. Nous, nous devons désapprendre, après avoir tant trouvé. C'est bien plus complexe et long. Nous avons besoin du cinéma pour créer l'art total vers lequel tous les autres, depuis toujours, ont tendu. Le cinéma est un langage visuel commun à l'uni de langue française, peutêtre le dernier de la longue série des permutations ouvertes par maître Boccace, continuées par Mazarin ou LuUi, par Zola ou par Paul Valéry. Canudo naquit à Gioia del CoUe (Bari) le 2 janvier 1879. -Dès 1902, il se laissa absorber par Paris, lentement, s'aidant des éléments communs aux deux civilisations qui s'accordaient en lui. Après quelques essais sur Beethoven, sur Dante, sur saint François, Canudo avait publié trois romans : La Ville sans chef (1910), Les Libérés (1911), Les Transplantés (1912). Dans son grenier de Mont] oie, résonnaient les noms qui devaient compter plus tard dans l'histoire des arts : Picasso venait lancer quelque paradoxe ingrésien. Paul Adam agaçait ses amis; Maurice Ravel, soucieux, écoutait ; Rodin riait dans sa barbe avec Raoul Dufy ; d'Annunzio montrait ses cravates à \'alentine de Saint-Point qui récitait ses Poèmes de la mer et du soleil : ' Le sang est beau, la mort [ n'est rien, Dans ces mansardes. Biaise Cendrars (qui devait écrire en 1936 un des meilleurs li\Tes sur Holh-\vood alors à peine fondée) rencontrait Alfredo Casella et Max Jacob; Romain Rolland se heurtait à Stefan Zweig; 4