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Au contraire, un film comme Choucha (i), fruit des soins d'un artiste aussi connu que Vittorio de Sica, marque d'une manière exemplaire la transition entre notre cinéma d'avant-guerre et l'actuel.
Après avoir, durant de longues années, revêtu le costume du ménestrel sentimental des comédies de Mario Camerini et des films musicaux, Mttorio de Sica, arrivant à un tournant de sa carrière de jeune premier, opéra un élégant changement de position par rapport à la caméra. Quelques rides et quelques cheveux gris ne peuvent que souUgner la compétence de l'homme qui colle son œil au viseur. C'est avec une comédie légère. Due dozzine di rose scarlaite (Roses écartâtes, 1940), qu'il fit ses débuts de metteur en scène, discrets bien que peu surprenants de la part d'un comédien qui a\'ait monté lui-même de nombreuses pièces de théâtre. Son talent fut plus remarqué lorsqu'il réalisa Maddatena zéro in condotta [Madeteine, zéro de conduite, 1941), Teresa Venerdî (1943) et Un garibaldino al convento {Un Garibaldien au couvent, 1943). Entre ses mains, les acteurs se transformaient et il savait tirer de leur jeu des interventions et des allusions en contrepoint amenées habituellement dans l'action par des trucs de découpage ou tout bonnement par le dialogue.
Sa manière pouvait être, à peu de chose près, une réédition de celle des premières œuvres de Camerini mais, moins prudent que son maître et riche d'une certaine naïveté, dépourvu de toute méfiance, il parvenait tout naturellement à atteindre le fond d'un problème humain. Et à mesure que son récit se dégageait des formules commerciales, il arrivait sans effort au dramatique, décidé chaque fois plus fermement à prendre toutes ses responsabihtés en face du thème et des personnages choisis. Son œil aigu traversait immédiatement ces détours prétendus obligatoires et ces compromis sanctionnés par l'usage qui lui apparaissaient toujours plus nuisibles au caractère d'authenticité qu'il s'efforçait de donner à ses scènes.
Un Garibaldien au couvent était une agréable reconstitution de pensionnat au siècle dernier, illustré avec piquant, adresse, brio. Une connaissance précise et un rare amour des nuances psychologiques transparaissait dans le jeu apparemment superficiel de l'intrigue et surtout dans la savoureuse étude du caractère de deux adolescentes. Une veste militaire tachée de sang amenait pour la première fois, dans les images de ce réalisateur, une onde de mélancolie profonde; et pour la première fois, une comédie légère finissait mal.
De Sica, désormais sûr de son inspiration, se mit alors fiévreusement en quête d'un sujet substantiel.
Non sans peine, en 1943, il mit en chantier / bambini ci guardano (Les Enfants nous regardent), film psychologique très délicat dont l'action était entièrement exprimée d'après les réactions d'un étonnant petit protagoniste de quatre ans. Sans ménagement, de Sica y accusait cruellement les mesquineries, les égoïsmes et les désespoirs d'un milieu bourgeois étriqué dans lequel
(i) Scmscia, en effet, correspond phonétiquement à l'appel des petits cireurs de Naples, de Rome et autres villes : « Shœ Shine ! . . . » D'où la traduction, également phonétique, adoptée par la « Revue du Cinéma » : Choucha, correspondant à la prononciation italienne.
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