La Revue du Cinema (1947)

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réussies, une fois, en compagnie d'un vieil avocat raffiné et lui-même possesseur d'une de ces crèches, nous commentions l'attitude de la boulangère sortant ses pains dorés du four en miniature et admirions le savant éparpiUement d'un troupeau de moutons au flanc d'un coteau biblique. Fasciné par ce grouillement rustique, nous approuvions tout : « Et ces paniers d'oranges, et là ce petit pâtre innocent et ces moutons, ces agneaux, il ne manque... — Il ne manque que leurs crottes, mxmnura gravement l'avocat. Du reste, elles existent et sont aussi fignolées que ces légumes et ces fruits mais, depuis quelques années, la famille ne les sort plus... » Ce naturel en face de n'importe quel aspect de la nature, on peut l'apprécier dans un film Le Soleil se lève toujours de Vergano, par exemple, où le bordel est si familier que des prêtres peuvent y chercher abri sans cesser d'être des prêtres ni des hommes; et tout le monde se souvient de l'admirable impulsion de l'enfant assommant d'un coup de poêle à frire un vieillard qui doit passer pour moribond aux yeux de la police allemande dans Rome ville ouverte ; de même que, dans tout bon film italien, l'érotique n'est pas préparé, ajouté ou sournoisement souligné, mais fait partie d'un ensemble, personnage ou scène, et n'en peut être détaché. Les extrêmes se touchent et tant de liberté, de générosité et de simplicité peut souvent conduire aussi à l'exubérance, puis à l'emphase et au ridicule, entre les mains de maladroits ou d'exploiteurs de la sensiblerie publique, dans un pays contaminé, beaucoup plus profondément que par le dannunzisme, par les défauts de la Renaissance, dont l'art n'avait pour but que d'émouvoir : art dissocié de toute connaissance et qui devait provoquer les excès de la description réaliste et de l'anthropomorphisme, donc à une beauté et à une laideur également excessives et dépourvues à la fois de toute valeur symbolique et de forme. En élaborant le présent cahier de notre Revue, nous avons plus d'une fois discuté avec Pietrangeli terminologie critique, pour nous la forme étant la condition même de la vie de l'œuvre de l'artiste, et pour nous réalisme correspondant à la dégénérescence de l'art réduit à la reproduction pure et simple de la nature, œuvre d'hommes bien plus naïfs que les « primitifs » puisque, même savants., ils restent, selon l'expression de Plutarque, « aveuglés par leurs propres pouvoirs d'observation ». En fait, nous visons au même but : éviter la boursouflure et la préciosité qui s'interposent entre le public et le vrai par la faute d'artistes qui ne savent plus ou ne sauront jamais pénétrer jusqu'au cœur de l'homme et au cœur des choses et se complaisent ou se limitent à ne voir que l'aspect, l'extérieur, faussé par eu.x-mêmes ou trompeur en soi, de ces hommes et de ces choses. La force du cinéaste italien, donc, réside avant tout dans sa désinvolture en face du naturel, naturel qui l'émeut et l'amuse tout à la fois — à condition qu'il n'abuse pas de cette force (comme les anti-dannunziens) ou ne la fasse pas chanter (comme les dannunziens). Comme nous exphquions à Alvaro ce qui nous empêchait d'aimer la Caccia tragica de De Santis, ouvrage qui pêche par excès de bravoure artistique et de démonstration de force, l'écrivain admit que le jeune metteur en scène était « trop enchn à vouloir TOUT mettre dans ses films, à surcharger ses images et à accumuler ses effets, par besoin de faire preuve d'emblée d'une puissance d'expression indéniable. » Défaut de jeunesse, et sympathique, certes, mais aussi défaut de pensée directrice. Parlant de Lattuada, Cecchi nous avait dit, dans le même ordre d'idées, qu'il pouvait faire de grandes choses à condition de ne pas « vouloir choquer, de ne pas outrer les situations par besoin d'être terrible ! » 63