La Revue du Cinema (1947)

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et porte les mains à son ventre. Mais les enfants veulent qu'elle continue à danser. Et elle reprend sa danse, cependant que ses traits se creusent toujours davantage, que ses yeux deviennent toujours plus égarés, ses gestes toujours plus convulsifs. Enfin elle s'écroule d'un coup. Les femmes accourent, l'entourent, la secouent, la palpent. Et voici qu'un étonnement brusque, une stupeur incrédule et scandalisée se répandent parmi elles : la folle est grosse, la folle est enceinte !... La fille regarde autour d'elle éperdue, apeurée, sans comprendre. Maintenant, on se met à l'insulter. Et puis, ce sont des questions, des réprimandes, des mots compatissants ou railleurs. Mais la fille semble ne plus rien enteridre. Elle est immobile, les yeux fixés sur quelque chose d'invisible, comme éblouie par une lumière qui la pénètre toute. Finalement, ses lèvres remuent; et il en sort, en un souffle, une phrase incertaine, balbutiée, extatique : « Je ne suis pas digne... » Puis elle sent sur elle les mains des femmes; et, en un instant, elle est debout, sauvage et bouleversée, les mains tendues pour protéger son ventre. Elle crie qu'on ne la touche pas; personne ne doit la toucher... Maintenant, les voix se font plus violentes, les insultes et les railleries plus directes, plus mordantes. Un gamin lui lance une tomate pourrie. Et elle fuit, loin du village, loin de ceux qui ne sayent pas et ne comprennent pas, avec le fardeau sacré qu'elle vient de découvrir en elle. De ce jour-là, la folle ne revient plus au village. L'enfant miraculeux qui grandit dans son sein a besoin de la solitude des montagnes. C'est seulement plus tard, quand il aura vu le jour, que les hommes devront apprendre qui il est. Et c'est elle qui le criera au monde entier, afin que les gens se convertissent, deviennent bons et ne fassent plus de mal. Ensuite, il leur suffira de le voir, cet enfant : il sera radieux, il aura une auréole de lumière autour de la tête, comme dans la crèche; aussitôt, tous tomberont à genoux, ils comprendront d'où il est descendu et comment il faut l'adorer. Et elle, après l'avoir allaité, elle pourra mourir, puisqu'on n'aura plus besoin d'elle ici-bas. La folle rôde par les sentiers suspendus entre ciel et mer, avec son pauvre cerveau perdu dans une contemplation toujours plus profonde. Elle parle avec l'enfant qui va naître. Elle pleure d'émotion; elle remercie Dieu; elle chante et pleure... La première fois qu'elle a adressé la parole à son ventre, à son « saint fils », un sanglot de larmes et de rires l'a secouée toute entière, comme si sa propre voix lui avait révélé le mystère inconsciemment deviné. Quelquefois, la nuit, les ouvriers rassemblés autour d'un feu de bois, la voient déboucher de l'ombre à l'improviste, telle une créature sauvage, et s'approcher un court instant du cercle de lumière. D'autres fois, les paysans l'aperçoivent entre les roches et les buissons et se la montrent avec un mélange de trouble et de répulsion. La folle s'est fait une tanière dans une grotte; et un jour, finalement, elle en sort, le visage décomposé par la souffrance et la terreur. Instinctivement, la fille descend vers les maisons de ses semblables. Et voici que le village lui apparaît brusquement, avec précision, au fond de la vallée. Voici ses maisons, les ruelles, l'église, les barques sur la petite plage ; les bruits de la vie humaine montent distinctement jusqu'à elle. La fille s'arrête. Sur son front perle une sueur froide; son visage se contracte. Mais quelque chose lui interdit d'aller vers les hommes. Elle les sent lointains, entièrement occupés par une existence 22