La Revue du Cinema (1947)

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Le danseur commençait la conquête du mouvement. A quelques pouces au-dessus du sol restaient suspendues les traces phosphorescentes des figures géométriques que traçaient dans l'air ses pas ailés. Les points, les lignes, les surfaces, les volumes devenaient peu à peu des plans, des cylindres, des cônes, des sphères. Ce tourbillon fascinait. L'oiseau poignardé décrivait dans le ciel les mêmes figures, puis partait jusqu'au-dessus du château y répéter sa bénéfique magie. Cependant, dans le pavillon de droite qui servait jadis de chapelle, le marié et Julien conspiraient. On dit que c'est une sorte de petit canon qu'ils traînèrent sur la terrasse et qu'ils pointèrent sur l'oiseau. Là-bas, dans la zone des promesses, un grand triomphe se préparait. Celui du danseur était modeste : il n'était plus que mesure, harmonie, mise en place des objets rendus à leur poétique efficacité. Sur la poitrine de la mariée, la plaie se cicatrisait, le sang disparaissait; dans le médaillon, Julien s'était évanoui, avait disparu, et la mariée bientôt pourrait y mettre une mèche de ses cheveux; le laquais avait une bonne grosse tête d'homme, tout au plus pouvait-on dire qu'il ressemblait un peu à un bouledogue et pour la première fois, on voyait en pleine lumière le visage de la jeune fille. Qu'elle était jolie, notre jeune fille du bord de l'eau avec ses longs cheveux épars, ses petites taches de rousseur, ses yeux d'aube, sa gorge veinée de bleu, tendre comme un passereau, ses cuisses fuselées! Comment allions-nous l'appeler? Nikéta, Niphoé, Source, Fontaine ? On n'entendit à la ronde qu'un petit bruit mat et dérisoire et pourtant déjà frappé en plein vol, l'oiseau amorçait sa chute et dans nos cœurs éclataient mille coups de tonnerre, zigzaguaient mille éclairs aveuglants. Ce vent furieux, cette tempête, cet orage déchaîné, ce voile noir recouvrant à nouveau toute la lumière et tout l'espoir, ce n'était peut-être pas la fin du monde, mais c'était la fin de ce jeune univers à peine éclos qui ne demandait qu'un peu de tendresse et la gracieuse hberté de ses mouvements. La terre s'entrouvrait, se crevassait révélant des puits obscurs ; des tourbillons se formaient dans l'eau engloutissant les débris de la fête, les instruments du géomètre, les rubans de la mariée, les sourires de la jeune fille. Nos amis fuyaient bousculés, poussés, happés comme des feuilles mortes, le laquais affolé s'était jeté à l'eau. Traversé par la foudre, ses vêtements en lambeaux, avec des gestes saccadés d'automate électrocuté, le danseur dansait désespérément, dansait la fin de la tragédie, la fuite des espoirs et dans le ciel devenu opaque, les oiseaux tombaient verticalement . La tempête se calma, tout redevint inerte. Certains virent l'étrange, le mortel spectacle qu'offrait alors cette zone désolée. Ils virent sortir de l'eau, en s'ébrouant, un pauvre gros chien de la campagne, qui n'en pouvait mais, si seuls les chiens s'en tirent et jamais les oiseaux. Ils virent cet homme noir reprendre le chemin par lequel il était arrivé, doublant un à un tous ces 46