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les règles d'un genre qui va des Misérables à La Tour de Nesles, en passant par Ponson du Terrail, Walter Scott et Octave Feuillet et où une niaiserie sublime alterne avec un romantisme épais. Dickens passait de son vivant et longtemps après pour avoir beaucoup d'esprit. Est-ce nous qui avons changé? Car il faut bien dire qu'il n'y a guère que Pickwick que nous puissions relire d'un bout à l'autre avec le sourire, et que de grimaces et de soupirs si nous nous replongeons dans Le Grillon du foyer, La Petite Dorrit, Olivier Twist, Nicolas Nickleby et même David Copperfield, exemple du faux chef-d'œuvTe, long, languissant, mal composé, mal écrit, d'une fausse distinction de pensée qui est à la vraie distinction ce que Bordeaux est à Proust et Burma au Kohinor. Les Grandes espérances, malgré ce titre à fadre rêver tous les rêveurs du monde, n'échappent pas à cette règle. On est fixé quand on comprend, à la centième page, que la grande espérance en question c'est de devenir un gentleman. Du coup on ne rêve plus, si ce n'est du charmant forgeron qu'aurait fait Pip si on lui avait laissé vivre sa propre existence et non celle d'un chien savant qui sera toujours déplacé dans les sottes réceptions de Mayfair. Sorti de la forge et de Satis House, Pip n'est plus qu'un pantin gêné et gênant. L'histoire du forçat au grand cœur achève le lecteur le plus indulgent. On se traîne jusqu'à la fin de l'histoire en espérant y retrouver le cadre du début et son énigmatique climat... et cette ultime satisfaction nous est tout de même donnée.
Depuis quelques années, dans les studios anglais, on porte à l'écran Shakespeare et Dickens. Nous préférerions pour notre part que l'on y tourne seulement des scénarios originaux (ce que d'ailleurs on y fait aussi) mais on ne peut nier la réussite d'Henry V... et des Grandes espérances. Le film de David Lean, en effet, n'a d'autres défauts que ceux du livre. Pour dire
la vérité il est dix mille fois plus visible que le livre n'est lisible.
Le film se compose de trois parties extrêmement nettes. Premièrement : le prologue sur l'enfance de Pip formé de deux épisodes, sa rencontre avec le forçat évadé, puis ses visites à Satis House. Deuxièmement : la carrière de Pip jeune homme à Londres. Troisièmement : le retour de Pip à Satis House.
Nous reviendrons sur la première partie, principal intérêt du film. La deuxième partie, compliquée à souhait, fertile en coups de théâtre et en invraisemblances est de loin la plus longue; elle correspond au fastidieux fatras du roman. On y voit l'ascension de Pip dans la société, son amitié avec Herbert Pocket, sa décevante aventure avec Estella retrouvée, le retour inattendu du forçat bienfaiteur et les comphcations qui s'en suivent aboutissant à la mort du dit bienfaiteur, à la rupture avec Estella et à la complète désillusion de Pip.
Cette partie centrale est, dans l'ensemble, dénuée du plus minime intérêt. On s'y ennuie ferme, on y baille rudement. Dans le détail, elle confirme ce que nous savions déjà, à savoir que David Lean est un des dix meilleurs réahsateurs actuels. Pas un instant, dans cette suite de petites scènes de mélodrame, qui ne soit de très bonne qualité. Tout en respectant le roman, Lean est arrivé à en assourdir le plus possible les divers gémissements, grincements, cris sublimes, pleurs et discours édifiants. Le dialogue est presque toujours sobre, précis, incisif, spirituel dès que la circonstance — hélas rarement ! — le permet. Il n'y a guère que le fameux forçat que l'on n'ait pu sauver du ridicule : il bêtifie et se contorsionne, un bandeau sur l'œU, une main sur le cœur, une jambe traînante, pour notre plus grand déplaisir. (Il est à noter que, pendant la première partie, l'intervention du forçat dans l'enfance de Pip est pleinement justifiée et n'est à aucun moment
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