La Revue du Cinema (1947)

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ridicule. Elle constitue un élément de choc dans l'imagination de l'enfant et c'est sous cet angle que nous la voyons, sorte d'image d'Épinal, certes, ou de gravure de bandit conventionnel pour Les Mémoires d'un âne, sorte d'élément de terreur aussi, mais s'inscrivant harmonieusement dans cette jeune aventure où tout est grossi, déformé, transfiguré et en fin de compte parfaitement logique parce que vécu par un romanesque et sensible petit garçon.) Cette seconde partie se passe dans un cadre conventionnel et déjà \ni cent fois : Londres vers 1830. Là encore, David Lean s'en tire en évitant le faux pittoresque et avec le maximum de sobriété. Les décors ne sont guère que suggérés, quoique précis et sans doute historiquement exacts (ce paradoxe existait déjà dans La Splendeur des Ambersons. Des gens plus savants que moi vous expliqueront peut-être que c'est une question d'objectif, d'éclairage, de profondeur de champ et ils auront raison car pas de doute que, derrière ce petit miracle, il n'y ait pas de miracle, mais une technique concertée et mûrement réfléchie). Mieux, au milieu de cette suite d'images heureusement uniformes et sans provocation, Lean a réussi à souligner un certain nombre de tableaux et à leur donner une valeur esthétique. Je pense à cette image — trois fois répétée — où l'on voit un grand bateau à roues monter du fond de l'écran sur un petit canot au premier plan et qui évoque curieusement certain tableau célèbre de Turner. Je pense à cette figure de proue qui apparaît soudain dans la nuit, à cette diligence qui roule non pas sur une vraie route mais sur la route stupide de l'existence de Pip, à ces visages graisseux ou ossifiés d'hommes de loi dessinés avec la sûreté de trait et le don d'observation d'un Hogarth ou d'un Daumier. Grâce soit rendue au réaUsateur de nous faire avaler sans douleur, grâce à tous ces détails, la rocambolesque et démodée pilule. En fin de compte — nous le savions depuis le début — Pip a été joué par Miss Havisham, vieille vierge, pas folle du tout, qui « prépare sous un dais de toiles d'araignées, la revanche des fiancées délaissées, dont la petite Estella sera l'instrument » (i) Chaque fois que, dans le film, Pip revient à Satis House, nous comprenons, à notre nostalgie des enchantements' du prologue, que tout est là et que le reste a peu d'importance. Ceci exphque que le film rebondisse magistralement vers la fin avec la dernière visite de Pip à la vieUle maison, que l'apparition inattendue d'Estella soit de nouveau une image de rêve et que l'ouverture brusque, par le héros, des rideaux depuis mille ans tirés de ce cabinet des mirages rendu dérisoire par la lumière {mais il y a des dérisoires qui sont terrifiants), soit comme un grand cri émouvant poussé dans la conscience de Pip par les forces claires de l'existence... ceci explique que la course joyeuse qu'entreprennent alors Pip et EsteUa pour nous quitter nous ramène déUcieusement au début de l'histoire, à ce début enchanteur dont il nous faut enfin parler. Miracles de l'enfance... Miracles dont René Crevel écrivait un jour : «... il n'y a qu'à fermer les yeux, comme au temps de l'enfance, lorsqu'on découvre que le noir, c'est un mensonge, car, sous les paupières hermétiquement closes, mille feux minuscules et cependant plus grands que nos étoiles patentées, s'allument. » Premier épisode : presque imperceptible dans im paysage immense, un enfant court, un bouquet à la main, d'abord sur une digue, puis sur une route bordée de gibets. Ciel d'orage cahne, ciel d'argent rayé de grandes traînées noires, pommelé d'éclatement silencieux. L'enfant, blond, exquis, décidé, arrive dans le cimetière où courent des brouillards à ras du sol. Les arbres gémissent, craquent, parlent sous le vent (Tout le son du film est (i) Cf. La Revue du Cinéma, n° 4, page 2. 54