La Revue du Cinema (1947)

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admirable) . L'enfant pose le bouquet sur la tombe de sa mère. Une voix terrifiante ! L'enfant se retourne et se trouve face à face avec un homme monstrueux, chargé de chaînes : le forçat. Choc terrible : nous sommes Uttéralement glacés d'horreur. Suit l'anecdote du forçat pour qui Pip volera de la nourriture et une lime, aventure qui prend dans l'imagination de l'enfant des proportions démesurées. Cet épisode est sans défaut. Ceux qui le trouveront tragi-comique se tromperont, car il s'agit de cet univers unique que l'on ne peut voir qu'en fermant les yeux et où il y a beaucoup de tragique et peu de comique. Il abonde en admirables images, heureusement stylisées, où gris laiteux, noirs profonds, traits de plume et surfaces moirées s'opposent et se confondent harmonieusement. La poursuite des évadés qui le clôt est montée dans un rjrthme accéléré qui nous essouffle comme si nous avions les petites jambes de Pip. Deuxième épisode : Pip reçoit «l'ordre » d'aller jouer à Satis House. Ayant fait toilette, il pousse une griUe et entre de plainpied dans le pays du rêve, du sUence, de l'hallucination, des villes englouties, des labyrinthes palpitants et de la poésie la plus authentique. Nous y entrons avec lui. Les chambres de mystère y sont reliées par des escaliers — mille escaUers — et des couloirs — mUle couloirs — qu'il faut parcourir une bougie à la main car la lumière n'y entre jamais. Poussières circulant comme des diamants, toiles d'araignées tissées sur les mémoires, festins jamais desservis habités de rats et de cloportes, gâteaux, pâtés en croûte pourris, métamorphosés en cité fossiles... tout un territoire défendu peuplé de miroirs défraîchis où nous nous promenons sur la pointe des pieds, épiés par des yeux de squales et des fantômes de sirènes. Miss Havisham préparant sous son dais de chagrin la fameuse revanche et Estella, petite déesse aiguisée comme une lame de poignard, habitent ce royaume fabuleux et inconnu. On y rencontre aussi un avocat obèse qui fait la haison avec le monde et — dans le jardin abandonné — un gentleman adolescent et pâle qui veut se battre avec tout venant et se fait rosser dignement par Pip abasourdi. Oui, Pip va jouer, mais il va jouer à la vie et à la mort. La lame du poignard — EsteUa — va pénétrer profondément en lui. L'amant terrible et fatal c'est eUe, à la fois sortilège, maléfice, et bénédiction innommable parce qu'elle devient d'un seul coup — en dix secondes — tout l'amour, toute la fidélité, toute la trahison, toutes les chances — en une giffle, en un baiser, — rassemblées du bonheur et du malheur. (Ces deux épisodes ne durent guère plus d'une demi-heure, mais pour cette demi-heure, je donnerais tout le reste du film et aussi presque tous les chers westerns, les précieuses comédies légères, les estimables loufoqueries, les profondes fresques d'histoire, les rudes documentaires et les passionnants drames du cinéma.) Trente minutes qui, à son aube, justifient un art, autorisent à entreprendre Le Grand Meaulnes, Le Château d'Argol ou Le Bal du comte d'Orgel, permettent de croire que l'art du fihn peut bien parfois, providentiellement ou logiquement, grâce au ciel ou grâce à l'intelligence d'un homme, se confondre avec sa principale raison d'être : LA POÉSIE. Héros de la partie adulte, John MiUs est correct, mais Valérie Hobson (EsteUa, femme) n'est pas, une seule seconde, acceptable. Je sais bien qu'EsteUa était sèche, autoritaire, sans cœur, mais l'inertie totale du jeu de Valérie Hobson, par ailleurs douée d'un physique ingrat et d'une voix désagréable, ne peut jamais passer pour du talent ou même de la discrétion. Je m'étais imaginé Miss Havisham différemment, mais on ne peut rien reprocher à Martita Hunt qui s'inclut dans la courbe de cette existence appa 56