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remment morte avec une très grande compréhension du rôle.
Anthony Wager joue Pip enfant d'une façon tellement sensible, tellement fraîche — une petite voix posée, distinction naturelle, grâce touchante du visage, regard céleste — qu'on ne peut plus maintenant l'imaginer autrement.
Jean Simmons, malgré un rôle court et peu de paroles, a fait mieux que de donner un visage, désormais difficilement changeable, à Estella ; elle est la plus extraordinaire petite fille que nous ayons jamais vue sur un écran.
Ravissante et parfois presque laide, à la fois animale et éthérée, petit renard fourbe et ange de l'Annonciation, cruelle
en même temps que nous le savons secrètement tendre, vicieuse sans nous en donner la preuve, farouche, glaçante de froideur et d'ironie (mais nous avons, comme Pip, envie de l'attirer dans un grenier pour lui voler des baisers ou lui mordre le cou), sphinx, pythie, porteuse de toutes les énigmes de l'adolescence, de tous nos premiers émois, de nos premières larmes salées, de nos premières égratignures du cœur, elle me fait penser à ces petites filles insolites qui, dans les tableaux de Chirico, traversent les rues désertes dès qu'on a tourné le dos, jouant au ballon ou poussant un cerceau, et que l'on ne peut jamais saisir.
Jacques Doniol-Valcroze.
Où les acteurs nont pas eu peur de leur personnage, ni le réalisateur de son sujet.
THE STRANGE LOVE OF MARTHA IVERS (L'Emprise du Crime). Réalisation : Lewis Milestone. Scénario : Robert Rossen, d'après une nouvelle de Jack Patrick. Photographie : Victor Milner. Décors : Sam Comer et Jerry Welch. Musique : Miklos Rozsa. Interprètes principaux : Barbara Stanwyck, Von Heflin, Lizabath Scott, Kirk Djuglas, Judith Anderson. (Prod. : Hal B. Wallis. Paramount. HoUywood 1946).
Dans une récente chronique Philippe Hériat constatait et déplorait la disparition de ces étranges animaux que Cocteau a nommés a monstres sacrés », bêtes de théâtre prêtes à tous les excès, toutes les extravagances, passionnées de leur métier, poursuivant dans la vie leur royauté éphémère des tréteaux, avec grandeur, élégance et bien souvent un réel courage.
Il ne nous appartient pas de rechercher ici les causes, d'ailleurs nombreuses, de la disparition de cette race de comédiens, providence des poètes et des dramaturges; les conditions actuelles de la vie ne favorisent certes pas le dévelop•pement de tels phénomènes auxquels
un climat propice de luxe, de ferveur, d'adoration est indispensable. Si nous admettons avec regret que nos étoiles cinématographiques ne sachent ou ne puissent se maintenir sur ces degrés fabuleux où trônaient avec magnificence les gloires théâtrales du siècle dernier, et, se complaisent, souvent plus qu'elles ne se résignent, à une existence faussement démagogique en opposition formelle avec la notion même de star et toute la mythologie qu'elle comporte. Il est cependant un privilège que nous les voyons abandonner avec déplaisir : le goût du risque. Il n'est pas une de nos étoiles qui, aujourd'hui, ose interpréter un personnage vivant, violent, excep
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