La Revue du Cinema (1947)

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rOdéon, la rue du Bac et la Seine (bien avant l'invasion existentialiste, quand les Deux Magots étaient encore une centrale littéraire et qu'on aUait au café de Flore pour rencontrer Renoir, Paul Grimaud ou Jacques Prévert), pour quelques dizaines de personnes, dis-je, dans le Paris des Lettres, des Arts et de l'amitié, existait dès avant la guerre un cas Roger Leenhardt. Ce petit homme mince, légèrement voûté comme sous le faix d'on ne sait trop quelle lassitude idéale, ce petit homme, donc, occupait aux frontières de la littérature et du .cinéma français une place discrète, insolite et exquise. Ils sont quelques-uns à tenir à juste titre Roger Leenhardt pour l'un des plus brillants critiques et esthéticiens du cinéma parlant et à savoir qu'il le fut avec deux bons lustres d'avance (cf. articles de la revue Esprit 1937 et ses conférences à la radio, même année). Pour d'autres, Leenhardt est d'abord un romancier qui n'a jamais tout à fait fini ses romans; pour d'autres encore, un curieux poète des affaires qui, après avoir risqué l'aventure et consommé sa ruine financière dans la culture intensive du cédrat (en Corse), s'est fait producteur de courts métrages pour satisfaire les subtils complexes qui le liaient au cinéma. Je soupçonne Roger Leenhardt, d'être producteur comme il est critique, juste assez pour ne pas s'avouer metteur en scène. Nous le vîmes, dix ans durant, tourner autour du cinéma, feindre de l'oubher, parfois le mépriser et le rattraper d'un mot au détour nonchalant de quelqu'une de ces admirables conversations où Leenhardt joue des idées comme le chat de la souris. D'aucuns se demandaient aussi si Leenhardt pourrait jamais aborder le « grand film », s'attaquer à l'œuvre majeure que la forme de son intelligence semblait peut-être vouer d'avance à l'échec. Avec Leenhardt on eût même été tenté de trouver dommage que cette source d'idées vives se compromit à laréalisation. Te soupçonne du reste Leenhardt de s'être décidé à accepter la proposition de son ami et producteur Pierre Gerin, dans la mesure où réahser un fikn est encore une manière de poser une idée : celle de la création, de façon à peine moins intellectuelle que l'aventure du cédrat au cœur de la Méditerranée. Si je m'attarde ainsi à la personnalité de Roger Leenhardt avant de parler des Dernières vacances, c'est qu'elle me paraît en certains sens plus importante que le film. D'abord parce que l'essentiel de Leenhardt passera toujours dans sa conversation et que son œu\Te, si importante qu'elle soit, n'en sera jamais qu'im sous-produit. Ses chefs-d'œu\Te, Roger Leenhardt nous les a peut-être donnés, sous une forme mineure, dans les commentaires des courts métrages qu'il a réalisés ou produits. Vous souvient-il, par exemple, de ce documentaire sur le vent où apparaissait, sur une garrigue brûlée de soleil et de mistral, la haute silhouette de Lanza del \'asto? Mais je ne veux même pas parler du texte, encore que celui de Xaissance du Cittéma soit admirable, je pense seulement à la diction, au timbre et à la modulation de la voix qui fait de Leenhardt le meilleur commentateur du cinéma français. Tout Leenhardt est dans cette voix intelligente et incisive que la mécanique du micro ne paradent jamais à corroder tant elle s'identifie avec le mouvement même de l'esprit. Leenhardt avant tout est un homme de parole. Elle seule est assez mobile, assez souple, assez intime pour absorber et traduire sans dégradation d'énergie appréciable la dialectique de Roger Leenhardt, en conserver la \-ibration dans cette diction sans ombre où la clarté tremble avec passion. X 'eût-il jamais réalisé de grands fihns, Roger Leenhardt serait déjà l'une des personnalités les plus attachantes et les plus irremplaçables du cinéma français. Une sorte d'éminence grise de la chose cinématographique. L'un des rares hommes qui, après la génération des 63