La Revue du Cinema (1947)

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Delluc et des Germaine Dulac, ont fait que le cinéma français ait une conscience. Il semblait donc que le caractère même de Leenhardt de ne point s'aventurer trop loin de cette zone franche aux frontières de la création et de la production, de ne point passer de cette semi-internationalité de Saint-Germain-des-Prés, oii tout est possible en paroles, au monde implacable et stupide des Champs-Elysées soumis à l'Inquisition sans appel du succès et de l'argent. Écrivons-le parce que c'est justice : il faut savoir gré à Pierre Gerin d'avoir tendu à Roger Leenhardt, de la rive droite à la rive gauche, le pont de sa confiance et de son amitié. Je puis le dire maintenant : nous avions très peur. D'abord sans doute parce qu'un échec nous eût peiné dans notre affection sinon dans notre estime, mais plus encore parce que Leenhardt allait, après quelques-uns, porter lui aussi témoignage sur l'un des plus graves problèmes de la création cinématographique. En dépit de sa familiarité intellectuelle avec le film, en dépit de son expérience de producteur et de réalisateur de courts métrages, Leenhardt s'avançait dans le cinéma sans armes, vierge de technique du studio. Il n'avait pratiquement jamais dirigé d'acteurs. Et voici qu'il allait lui falloir d'emblée maîtriser tous les monstres contre lesquels le syndicat, à défaut des producteurs, protège soigneusement le réalisateur novice. Leenhardt était virtuellement chargé de répondre à la question : un auteur peut-il au cinéma aller droit à son style, soumettre en quelques jours d'apprentissage toute la technique à sa volonté et à ses intentions, faire une œuvre à la fois belle et commerciale sans en passer par les rites d'un long apprentissage technique. Nous n'attendions pas de Leenhardt un film « bien fait )), mais une œuvre signée qui réalisât enfin sur un mode majeur quelque chose du monde qu'il porte en lui. Il en est d'autres exemples, mais ils ne sont pas si nombreux. Mis à part le cas tout différent de Renoir, qui est sans doute avec MéUès et Feuillade le seul homme-cinéma dont la France ait eu le privilège, il n'est guère que Cocteau et Malraux pour avoir su soumettre du premier coup la technique à leur style. A Hollywood, l'aventure toute chaude d'Orson Welles prouve du reste ce que peut gagner la technique à se laisser vol enter par le style. Allaitelle se refuser à l'un des hommes les plus intelligents du cinéma français? Leenhardt a eu la prudence de se donner le maximum des difficultés; le pire était, dans ces circonstances, le plus sûr. Aussi Leenhardt a-t-il écrit (avec son beau-frère et ami intime le regretté Roger Breuil) son scénario et son dialogue. Le sujet lui-même était d'une ténuité toute romanesque et l'interprétation posait des problèmes quasi insolubles. L'idée initiale est très simple, très belle et pourrait sortir d'un roman de Giraudoux. Vers quinze ou seize ans, il arrive que la fille conquiert sur le garçon une maturité psychologique que celui-ci mettra plusieurs années à rattraper. L'arrivée d'un jeune architecte parisien, chargé de l'achat de la propriété familiale, fait brutalement prendre conscience à Juliette de son destin de femme et l'écarté momentanément de son cousin Jacques qui sent confusément, dans sa jalousie puérile, que Juliette lui échappe, qu'elle passe du côté des grandes personnes et qu'il lui faut à son tour, mais plus lentement et plus douloureusement, se frayer son chemin au pays des hommes. Ces Dernières vacances lui auront appris à distinguer la brûlure de la dernière gifle d'une mère, de la première gifle d'une femme. Mais le thème de la fin de l'enfance, Leenhardt l'a lié intimement à celui de la fin d'une famille et d'une certaine société : de cette bourgeoisie protestante dont trois générations de sécurité maté 64