La Revue du Cinema (1947)

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renoncé... renoncé à faire un film, à avoir des idées, à exploiter même le sujet et il n'y a guère plus que la pièce qui se déroule, scène par scène, avec un dialogue dont on a fait sauter toutes les somptueuses chevilles hugoliennes. Le quatrième acte, l'acte de CésarZafari, revenant des galères, le meilleur de la pièce, est ici à peu près escamoté. On regrette ce personnage du gentilhomme-bandit auquel Hugo tenait assez pour lui consacrer tout un acte. Ici, Don César pâlit, devient plus inconsistant à mesure que le film avance et finit par disparaître, purement et simplement. Personne ne sait ce qu'il est devenu, et pourtant ses aventures, son évasion pouvaient donner lieu à bien des illustrations. J'attendais aussi avec curiosité la transposition cinématographique de la fameuse tirade : « Bon appétit. Messieurs. » Mais Cocteau s'est contenté d'esquiver la difficulté, et je me permettrai de l'accuser de paresse, car le lyrisme physique indéniable de Jean Marais, habillé par Marcel Escoffier, ne suffit pas à faire passer la traduction, en prose à peine allégée, de cent vingt alexandrins. Enfin un montage à contresens fait retomber sans cesse ce soufHe, qui, au théâtre, porte l'œuvre depuis l'exposition jusqu'au baisser du rideau sans qu'à aucun moment le sens critique du spectateur ait le temps de s'exercer. Ici, des mouvements restent inachevés, d'autres s'enchaînent mal, le rythme se relâche en même temps que la tension dramatique, et le public juge l'œuvre, ce qui est grave. J'ai parlé tout à l'heure de mauvaise mise en scène. Il semble que le souci plastique constant chez Cocteau s'accommode mal de personnages en costumes coupés à hauteur de la poitrine ou écrasés sur des décors photographiés sans recul. C'est pourquoi le texte même de l'adaptation tel qu'il est paru en librairie (i) permet mieux que le film d'observer le mécanisme de cette transposition du lyrisme de Victor Hugo teUe que la conçoit Cocteau. Certes, porter Ruy Blas à l'écran pouvait paraître une gageure. En fait, cela constitue seulement un bon devoir de cinéma, comme on pense que les écoles cinématographiques de demain en donneront à leurs élèves pour leur apprendre à distinguer les moyens d'expression propres aux deux arts dramatiques. Aujourd'hui, cependant, on ne sait pas encore très bien ce qu'est l'esthétique du cinéma et de tels devoirs restent l'apanage de quelques artistes universels dont Cocteau fait partie. Je déplore qu'il se soit laissé décourager par des conditions de travail qui n'étaient peut-être pas tout à fait celles qu'il aurait désirées, celles pour lesquelles nous plaidons nous-même l'identification de l'auteur et du réalisateur. Jacques Bourgeois. (i) Éditions Paul Morihien Paris. 70