La Revue du Cinema (1947)

Record Details:

Something wrong or inaccurate about this page? Let us Know!

Thanks for helping us continually improve the quality of the Lantern search engine for all of our users! We have millions of scanned pages, so user reports are incredibly helpful for us to identify places where we can improve and update the metadata.

Please describe the issue below, and click "Submit" to send your comments to our team! If you'd prefer, you can also send us an email to mhdl@commarts.wisc.edu with your comments.




We use Optical Character Recognition (OCR) during our scanning and processing workflow to make the content of each page searchable. You can view the automatically generated text below as well as copy and paste individual pieces of text to quote in your own work.

Text recognition is never 100% accurate. Many parts of the scanned page may not be reflected in the OCR text output, including: images, page layout, certain fonts or handwriting.

PHILIPPE FAURÉ-FREMIET L'« architecte » de cinéma On jugera singulièrement paradoxal, peut-être, d'établir le moindre rapprochement entre l'art durable des masses immobiles : l'architecture, et l'art du mouvement par excellence, l'art des fuyantes images, la lanterne magique du cinéma. Ici, tout passe, tout se déroule en moins de deux heures. La lumière éteinte, il ne reste de l'œuvre faite que quelques rouleaux de pellicule. Là, tout demeure, aussi réel et plus saisissant parfois dans la nuit que sous le soleil, et ce que la lumière anime tour à tour ne bouge pas : c'est la lumière qui se déplace. Mais si nous considérons la genèse de l'œuvre d'art et son existence parmi nous, il n'est pas illogique ni arbitraire d'établir trois catégories de la création artistique, et nous verrons l'architecture et le cinéma voisiner seuls dans la troisième. Sauf s'il s'agit de grands travaux décoratifs oîi, sous la direction d'un maître, collaborent élèves et praticiens, le peintre et le sculpteur ont le bonheur de travailler seuls, d'achever seuls leur œuvre, et de la livrer au public telle exactement qu'ils l'ont voulue et créée, sans que personne ait jamais à intervenir dans cette réalisation définitive et permanente de leur pensée. Le musicien, le dramaturge, le poète, eux aussi travaillent seuls, et achèvent seuls leur œuvre. L'œuvre écrite, sauf retouches acceptées ou voulues par l'auteur, est définitive, intangible — du moins doit-elle l'être. Mais entre l'œuvre et le public s'interposent un, deux, trois, dix, une foule d'intermédiaires indispensables et variables : l'interprète, les interprètes; le diseur, l'acteur, ou le chanteur; l'intrumentiste, les instrumentistes; le chef d'orchestre ou le metteur en scène. L'œuvre ne devient vraiment ce qu'elle a été pensée, elle n'existe comme elle a été pensée que par eux, et ce « par eux » implique une perpétuelle recréation jaillie de leur effort, effort partiellement imprévisible et qui, dans une large mesure, s'écarte des vues de l'auteur et lui échappe. L'architecte, lui, ne peut réaliser son œuvre — ses plans ne sont que projets et ne suffisent pas — sans le concours d'innombrables techniciens : entrepreneurs, ouvriers et fournisseurs. Toutefois, dans cet immense travail de création en commun, rien ne lui échappe. Il surveille tout, dirige, exige, corrige. Il est chef et maître absolu. L'œuvre terminée est sienne. Sans doute dira-t-on qu'elle est, comme la statue, comme le tableau, à la merci du temps et des hommes; mais telle qu'il la livre achevée, elle n'attend plus rien de personne; définitive et permanente, elle est la réalisation exacte, totale de sa pensée. Comment ne pas placer tout à côté de la millénaire architecture l'art si neuf encore du cinéma? Ne voit-on pas que lui aussi, pour la création d'une œuvre, requiert d'innombrables concours? Qu'il lui faut des techniciens, des entrepreneurs, des ouvriers, des fournisseurs? Mais, dans son domaine aussi, l'œuvre faite est définitive et permanente. L'acteur qui a donné son interprétation n'a plus à y revenir. Elle (i) Architecte doit être pris ici dan.s le sens étymologique de maître constructeur, celui qui dresse le plan et dirige la construction' il ne s'agit évidemment pas du spécialiste qui établi les décors d'un film. 44