La Revue du Cinema (1947)

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est à jamais ce qu'elle fut une fois, et la projection indéfiniment renouvelée d'un film est sans histoire, comme la quotidienne présence d'un monument. Seulement, et l'on n'aura nulle peine à en con\-enir, ce qui manque le plus encore au septième art, c'est l'architecte. Assurément il existe des architectes, des poètes de cinéma, de Chaplin à Eisenstein, et leur mérite est d'autant plus grand qu'ils furent des autodidactes, qu'ils eurent, pour une large part, à créer un art, à découvrir ses difficultés, à trouver le moyen de les résoudre. On peut dire de leurs œuvres, en dépit des concours requis et nécessaires, qu'elles sont l'œuvre d'un homme, et qu'intangibles après le dernier montage, essai ou réussite, elles réalisent sa pensée. Mais combien de films ne sont — et sans d'ailleurs prêter au mot un sens péjoratif — que production d'entrepreneurs. On suppose d'abord que, commercialement, tel scénario original, ou tiré d'un roman ou d'une pièce célèbres, a des chances de plaire. On procède alors à son découpage; on le confie à un metteur en scène, à un dialoguiste, à un musicien, à un décorateur... Ces hommes, peintre, écrivain, compositeur, cinéaste peuvent être des artistes de grand talent ; leur rôle est celui de l'entrepreneur dans la construction, du maître maçon, du maître charpentier, du maître menuisier, du maître forgeron, du maître couvreur. Dans la part du travail commun qui leur est confiée, ils sont libres de faire à leur gaise, de suivre leur goût personnel. Au lieu de réaliser une œuvre, ils superposent leurs œuvres. Chacun réalise sa pensée. Personne ne les domine pour les conduire : il n'y a pas de poète, pas d'architecte. Est-il absurde, dès lors, d'imaginer que d'ici à quelques années, peut-être, une véritable École des Beaux-Arts du cinéma puisse s'ouvrir, où l'on ne formerait pas simplement des techniciens : opérateurs, assistants, metteurs en scène, dialoguistes, décorateurs, mais des artistes, des hommes de cinéma, aussi \Trsés qu'un bon architecte dans la connaissance des matériaux, des techniques, de l'histoire, des aspirations de leur art ? ■ — Car un véritable « homme de cinéma » n'est ni celui qui compose un scénario ni celui qui le met en scène, mais celui qui imagine u)i film. La différence est énorme et nous re\iendrons sur ce point. L'imagination initiale d'un film peut jaillir, comme dans tous les arts, du contact avec les matériaux, de la difficulté à vaincre; elle doit pouvoir être servie par l'invention technique, par le perfectionnement ou l'usage nouveau des moyens. C'est dire que cette imagination initiale n'aurait aucune portée, qu'elle avorterait simplement, si l'architecte de cinéma n'était pas en mesure d'établir lui-même son scénario, d'en dessiner les décors, d'en écrire le dialogue, d'en ébaucher tout au moins la musique, comme l'architecte des masses immobiles prévoit, dans ses plans constructifs, la forme et l'emplacement de toute chose. Il serait absurde de considérer le cinéma comme le couronnement, trop longtemps attendu, de tous les arts et le suprême moven de satisfaire les vœux secrets de tous les artistes. Si le peintre et le sculpteur sont parvenus à créer et à fixer une sorte de correspondance du mouvement, cela ne prouve nullement qu'ils aspiraient à la réalisation cinématographique du mouvement, ni que celle-ci puisse leur donner la même satisfaction. Pour en retenir un exemple bien simple, disons que le « Ney au Mont Saint-Jean » de Rude ne gagnerait rien à être filmé car notre attention se porterait sur la course du maréchal, sur son déplacement, et non sur son élan, recréé par le sculpteur dans une géniale correspondance des lignes et des volumes. L'art du cinéma use de l'image et du mouvement, de la perspective suggérée, des plans, et de toutes les magies de la spatialité ; il use du ry thme, du verbe et de la musique; il use de tout ce (pie les autres arts ont plus ou moins pratiqué, mais à sa 45