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par cette farce solennelle, montée comme par un horloger de Genève, qui s'appelle Spellbound.
Le tout, pour aujourd'hui, est de savoir si Alfred Hitchcock est dans le coup, si le rustique et vigoureux Irlandais est dupe du Juif subtil et vengeur ou s'il est son complice : les deux en même temps sans doute; et il s'en passerait de belles sur les écrans si ce duumvirat prenait la tête d'un état cinématocratique.
Hitchcock, dès ses premiers succès en Angleterre [Blackmail, Les 3g marches, etc.), a toujours montré sa force de conteur qui connaît le cinéma, de cinéaste qui sait raconter. C'est un technicien qui se sert de son outil en virtuose et même en artiste. Cependant, il est permis de se demander ce qu'il a dans la tête.
Il sait boire et son sang est bien rouge. Mais, sauf pour le choix de ses interprètes, il a un goût de garçon d'écurie devenu maître d'hôtel de grande maison ou barman de paquebot de luxe. D'une œillade, il vous distinguera la seule authentique mèche blond cendré parmi mille têtes oxygénées, perruquées, teintes, déteintes et reteintes; mais lorsqu'il verse son mélange dans votre verre, n'y ajoute-t-il pas quelques gouttes d'arsenic? Car Hitchcock a un faible notoire pour les assassins discrets, les maniaques du crime élégant, d'autant plus suaves et séduisants qu'ils ont besoin d'argent pour \ ivre à leur guise, ou besoin de se libérer d'une obsession, ou besoin de se débarrasser de quelqu'un.
Une seule fois, à mon avis, il exerça son immense talent sur un sujet adéquat et substantiel (Shadow oj a Douht), dominé par un caractère étudié en profondeur et admirablement révélé par chacun de ses actes, chacune de ses imjiulsions ou réticences, chacune de ses pensées, pourrait-on presque dire, car, l'expression de l'acteur Joseph Cotten aidant, on vivait à l'intérieur du personnage, comme en lisant un roman, avant de suivre son aventure:
Même s'il fut pour ce iilm très aidé
par la collaboration de Thornton Wilder, ce n'est en tout cas pas un innocent qui a été capable de réaliser une œuvre de cette qualité et de faire éclore tous les sentiments disparates d'une famille et d'un milieu autour de ce superbe et rarissime échantillon de chasseur de femmes riches, dont l'avidité irrépressible dissimule mal une psychasthénie qui le pousse à multiplier les crimes et, en outre, une impuissance à jouer le jeu normal de la vie qui lui donne un mépris démentiel de ses semblables.
Le film est parfait dans l'exécution comme dans l'harmonisation des détails de l'anecdote, véritable roman cinématographique, et jusque dans la morale, sordide à plus d'un degré, de l'histoire. Sordide mais pas stupide, ni combiné pour piper l'approbation du public, ni pour faire accepter le tout à la censure. Je n'ai pas un penchant particulier pour le sordide mais, lorsqu'un artiste éclaire un abîme d'une lumière puissante, je ne peux qu'admirer.
J'admire donc Alfred Hitchcock quand il use de tous ses dons pour mettre en lumière le cas extraordinaire de L'Ombre d'un doute. Je veux bien le considérer comme un très amer mystificateur ou un humoriste corrosif lorsqu'il met son art au service d'un sujet (Xotorious) aussi répugnant que celui d'un homme amoureux poussant la femme qui l'adore à l'espionnage actif (au point de lui faire épouser l'ennemi à éliminer), ou au service d'une étude clinique aussi enfantine que celle de Spellbound... Je lui fais des reproches plus sérieux quand il grossit grossièrement l'élégante analyse de criminel écervelé contenue dans le roman (i) de Francis Iles (Suspicion) .
Enfin, quand il nous emprisonne durant deu.x heures sur l'Océan, je pêche une seiche de baudruche dans ses eaux de théâtre pour en extraire la sépia né
(i) Traduit en français, k Inrc porte le titre de Coniplicit? (Gallimard, Paris
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