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gros plan mobile et que la profondeur de champ ne soit jamais recherchée. Or, dans la morphologie et la syntaxe du film l'emploi des gros plans et des plans rapprochés correspond presque toujours, sinon au présent grammatical, du moins à une dilatation de l'instant et semble assez peu justifié dans un film dont le découpage est manifestement écrit à ce passé de récit qui resserre la durée et place le spectateur dans une sorte de recul. Dans le dialogue, qui nous révèle tout juste ce qui est nécessaire à la compréhension de l'anecdote, il est assez peu tenu compte également de cette présence continuelle des visages.
Il y a dans le style de Notorioiis quelque chose qui sonne faux et pourtant cette impropriété dans l'expression donne à ce film une saveur incontestable. Il faudrait même plutôt regretter que Hitchcock ne l'ait pas cultivée de façon plus systématique. Ce qui rend si particuliers certains moments de ses films, c'est précisément qu'il ne spécule jamais sur les effets d'un art de réalisme ou de valorisation de l'instant ; mais je crains, dans ce cas, que les nécessités d'ordre commercial et la timidité des producteurs d'Hollywood ne lui interdisent de déshumaniser suffisamment les sujets qu'il traite et de s'attacher comme l'a fait par exemple Bresson dans Les Dames du bois de Boulogne au caractère fascinant — et non plus terrifiant ou inquiétant — d'une machination bien construite.
Ces réserves faites, Notorious confirme de façon éclatante la supériorité de Hitchcock, dans la direction des acteurs,
sur tous les metteurs en scène d'aujourd'hui. Les réalisateuis français — Clouzot et Carné eux-mêmes — pourraient trouver dans ce film l'exemple d'un jeu qui n'est ni réaliste, ni théâtral, mais stylisé selon les exigences de la vision cinématographique. Je ne vois aucune raison objective de préférer la création d'Ingrid Bergman à celle de Joan Fontaine dans Rébecca : l'ingénuité et l'érotisme de l'une et de l'autre ont tout simplement six ans de différence d'âge : question de goût. Hitchcock a su tirer parti des tics et du cabotinage de ces deux actrices — • à l'occasion assez irritantes — dans le sens d'une stylisation, tout en évitant à la fois le poncif théâtral et ce faux « naturel » dont les meilleurs acteurs mal dirigés donnent trop souvent l'exemple. C'est peut-être même cette exigence impérieuse de style qui lui fait préférer les sujets où une cause matérielle peut rendre compte de l'irréalisme du jeu des acteurs. Dans Notorious, Alicia n'est jamais physiologiquement normale mais en état d'ivresse, de maladie, ou de transport erotique. Cette justification scientil^que, si l'on peut dire, de la construction ou déformation artistique marque le point faible d'un art qui ne sait pas toujours — ou ne peut pas — choisir entre la rigueur véritable et la complaisance commerciale. Souhaitons que Hitchcock prenne plus souvent la peine de nous rappeler qu'il n'est pas seulement le plus habile virtuose de la caméra que nous connaissions aujourd'hui.
Maurice Schérer.
SPELLBOUND (La Maison du Docteur Edwardes), film cI'Alfred Hitchcock. Scénario et dialogue de .■ Ben Hecht, d'après le roman de Francis Beeding. Photographie : George Barnes. Musique : Franz Waxman. Décors: James Basevi. Interprètes principaux : Ingrid Bergman, Gregory Peck, Michael Chekhov. [Prcâ. David. O. Selznick, Hollywood, 1945.)
REBECCA, film d'ALFRED Hitchcock. Scénario : Robert E. Sherwood et Joan Harrison, d'après le roman de Daphné Du Maurier. Photographie : George Barnes. Décors : Herbert Bristol. Musique : Franz Waxman. Interprètes principaux : Joan Fontaine, Laurence Olivier, George Sanders, Judith Anderson. (Prod. : David O. Selznick-United Artists, Hollywood, 1940.)
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