La Revue du Cinema (1947)

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On verra un Giuseppe De Santis, dans sa Chasse tragique, poussant si loin cette préoccupation qu'il retrouve obligatoirement, par excès, l'outrance romantique même qu'il désirait fuir. Le Ciel est à vous est, pour moi, l'exemple cinématographique le plus convaincant de la richesse, qui est donnée par surcroît à celui qui y avait d'abord renoncé. André Bazin, dans sa remarquable étude sur Le Jour se lève publiée par Doc 48, écrit que « le réalisme de Grémillon est beaucoup moins lyrique que celui de Carné » mais il ajoute : «aussi bien, l'importance accordée au décor est-elle beaucoup moindre ». Je ne suis pas exactement de l'avis de Bazin. Le décor de Carné est bien certainement pris pour objet d'une grande description, lyrique bien sûr, mais il existe en tant qu'objet isolé. Grémillon ne conçoit le décor que solidaire avec la marche de l'action. C'est bien la première fois que Bazin reste à la surface du problème. Le décor n'est pas moins important, quoiqu'il ne soit pas l'objet exclusif de l'attention. Je pense, en particulier, à une scène de Remorques. Non pas à celle de la plage, une des plus belles que Jacques Prévert ait écrite, et où le décor extérieur de la plage joue un rôle si décisif que la thèse devient trop facile à plaider. (Pourquoi pas, alors, la scène du barrage dans Lumière d'été!) Je pense à cette scène du balcon de la maison de Brest, dans Remorques , entre la cage à serins et la glycine : Jean Gabin et Madeleine Renaud se déchirent avec une violence et une cruauté dont on trouve bien peu d'équivalents. Deux grands acteurs, une grande scène, qu'on dirait toute en texte, qu'on pourrait se contenter d'entendre, tant elle est au comble de la virtuosité verbale, et où, contre Bazin et contre la vraisemblance, c'est précisément le décor, ou le choc du décor et de la situation, qui fait la force principale de la scène. S'il n'y avait qu'un exemple... — mais l'irruption des accidentés en travesti Paul Bernard-Des Grieux, Madeleine Renaud-Manon, Pierre Brasseur-Hamlet, et Lévesque-Guillaume Tell, dans le chantier du barrage de Lumière d'été, — les moutons et les orphelins du Ciel est à vous, — ou ce qu'aurait été la fin de la Commedia dell'arte : la première représentation des comédiens italiens à la cour, le soir de la Saint-Barthélemy — ne manifestent pas le moins du monde un quelconque goût de l'insolite mais bien un sens tragique parfaitement au point. Si j'essayais maintenant d'exprimer ce qu'est le réahsme cinématographique de Jean Grémillon, comme André Bazin le fait pour Carné ou Renoir, je dirais : ;< le réalisme cinématographique selon Jean Grémillon n'est pas l'analyse systématique d'un décor extérieur, fût-il solidement concret, mais la découverte du tragique quotidien », mais je n'ai pas de goût pour la parodie. Il se trouve tout simplement que de la façon dont Gide découvrait les vertus romanesques du fait-divers, Grémillon sait faire apparaître le tragique au sein des destinées dites paisibles. C'est qu'aucun fait ne vaut pour lui isolément, mais s'insère dans une réalité plus vaste que Grémillon entend saisir. La responsabilité de l'auteur de films est écrasante. Il fournit à des millions d'hommes, qui n'en ont même pas conscience, non seulement la seule forme d'art qu'ils pratiquent régulièrement, mais encore leur principal moyen de connaissance et d'information ; il présente son propre jugement, sa propre vision des cho.ses, comme la vérité évidente. Il n'y a 18