La Revue du Cinema (1947)

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En ce qui concerne Stendhal, le Julien Sorel incarné (dans le film muet de Tourjansky) par Ivan Mosjoukine, fut bien une des plus belles transformations à vue de héros littéraires, lui qui trouvait une mort glorieuse sur les barricades de 1830. J'ai longuement parlé avec Jean Aurenche d'un Rouge et Noir plus stendhalien, dont il avait écrit pour Claude Autant-Lara une fort belle version en images. Avec Pierre Bost, il travailla aussi à une adaptation d'une chronique italienne : Le Coffre et le revenant. C'est dire que nous aurons encore à parler de Stendhal à l'écran. Puissions-nous le faire avec autant d'enthousiasme qu'au sujet du Diable au corps, admirablement recréé par les mêmes auteurs ! Plus que des sujets, les scénaristes devraient bien demander à Henri Beyle une méthode d'inspiration. On sait comment celui-ci trouvait dans les vieux papiers de la Renaissance italienne ou la Gazette des Tribunaux matière à chefs-d'œuvre — ou plutôt points de départ. Un bon exemple : la genèse de Chartreuse qui lui fut suggérée par des mémoires du xv^ siècle sur la famille Farnèse. Cette histoire d'Alexandre Farnèse qui s'évada du château Saint-Ange où il était emprisonné pour avoir enlevé une jeune Romaine — ce qui ne l'empêcha point de devenir par la suite cardinal et même pape (Paul III), — fut bien le moteur premier du roman, d'autant qu'on trouve ébauchés, dans la légende historique, les hauts personnages facilitant l'évasion et le cardinalat de son amant tout puissant (dans le texte initial, un Borgia parent du pape). Mais de ce schéma, notre auteur allait faire une œuvre stendhalienne en la transposant trois siècles plus tard dans une principauté quasi imaginaire, du moins synthétique. Paul Arbelet a montré que Za Chartreuse naquit vraiment le 3 septembre 1838, jour où Stendhal eut l'idée de lier Waterloo (qu'il racontait alors à Eugénie de Montijo, future impératrice) à sa chronique rajeunie. Ainsi Orson Welles prit-il comme tremplin d'un film, d'un vrai film, la vie d'un nouveau condottière que lui fournissait la chronique de son époque et dont la cristallisation donna Citizen Kane. Pierre Véry nous résumait la trame du roman : « Mosca aime la Sanseverina qui aime Fabrice qui aime Clélia laquelle est liée par son vœu. » C'est la réaction en chaîne à' Andromaque mais, de même que Racine nous a donné autre chose que ce fait-divers : une femme délaissée fait assassiner son amant par un rival, Stendhal a dépassé la seule intrigue amoureuse. Si un film peut dégager d'un fait-divers un chef-d'œuvre, pourquoi aller prendre ce support dans Stendhal (ou Racine) si c'est pour soigneusement gratter toute la « cristaUisation » racinienne ou stendhalienne qui en fait justement la merveille? Lorsque Christian Jaque déclare : « Il importait d'éliminer ce qui était du domaine littéraire pour ne conserver que la trame dramatique », notre premier mouvement est un sursaut d'indignatioa, ou un ricanement. Cependant, il faut bien avouer que c'est lui qui a raison et que, pour adapter Stendhal à l'écran, la première chose à faire est de supprimer Stendhal. Car lorsqu'il s'agit de tirer un film d'aventures d'un feuilletonniste qui ne prétend que divertir ses lecteurs, vive le feuilleton en images ! On m'accordera que Stendhal a su faire autre chose. Lui romancier de cape et d'épée? C'est lui qui vit sous cape et ferraille d'une lame autrement acérée que la rapière de d'Artagnan pour pourfendre ses baudruches favorites. Très modestement, et très courageusement, Pierre \'éry et Pierre Jary se sont efforcés d'extraire de La Chartreuse ce qui « passait la rampe », avec la consigne de défigurer, mais le plus charitablement possible, événements et caractères. Dès 30