La Revue du Cinema (1947)

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cachet de figuration et, comme tout le monde, j'y ai fait tous les métiers, particulièrement celui de balayeur. En 1941, je réussis, par je ne sais quelle prouesse financière, à acheter une caméra d'occasion qui se trouvait à vendre dans mon quartier. C'est celle dont il est question au début de mon film, celle précisément qui m'a servi à le tourner. « Ma première œuvre date de 1941 : un film de 500 mètres, plein de péripéties €t d'accidents, monté à la manière des films américains et en particulier de ceux de Buster Keaton, dont je raffolais. « Ensuite, j'entrepris de filmer Après le crépuscule vient la nuit, dont le scénario me trottait dans la tête depuis de longues années. Cette fois, c'était un vrai film, une bande de 3.000 mètres. Or, je n'avais pas un sou vaillant, et il n'était pas question pour moi de tourner en sonore. J'avais du reste conçu le scénario de mon film en conséquence. C'était déjà la méthode italienne d'après-guerre. Il était simplement prévu que, si j'avais la chance de trouver un commanditaire, une fois le film fait en muet, je tournerais quelques plans sonores indispensables et m'offrirais une partition musicale. Celle-ci, d'ailleurs — je puis le dire maintenant — m'était absolument nécessaire : dès l'origine, elle constituait l'épine dorsale de mon film; et je n'ai jamais enregistré une image sans escompter qu'elle s'accompagnerait de musique. « Je n'avais pas une couronne en poche, mais j'avais un petit appartement d'étudiant : chambre, cuisine, salle de bain. J'en fis mon studio. La chance me permit ■de me procurer quelques projecteurs. Quant à la pellicule, ce fut de l'Agfa que j'utilisai. Je pus l'acheter à très bas prix parce qu'elle avait séjourné sous l'eau et qu'on la croyait inutilisable. Ce qui explique quelques-unes des imperfections du film. « Les prises de vues commencèrent en avril 1943. Le dernier tour de manivelle fut donné en décembre 1946, et le film présenté à la critique fin janvier 1947. « Inutile de dire que le travail fut abandonné et repris plusieurs fois. Le scénario aussi. Pour la mise au point de ce dernier, l'imagination et l'intelligence d'Ami Aaroë me furent du plus grand secours, pour ne pas parler de l'interprétation qu'elle y assura à mes côtés. Elle mit même la main à la pâte bien souvent. C'était nécessaire. Filmer un plan dans une salle de bain sans pouvoir en enlever quelques murs comme au studio, ce n'est pas une petite affaire .. « Un beau jour, le film fut fait. Alors se produisit le miracle attendu. Un commanditaire, ayant vu la bande muette, m'avança l'argent nécessaire à sa sonorisation. Il fit même si bien les choses que je pus engager l'Orchestre Philharmonique de Gôteborg pour jouer la musique de Karl Otto Westen ». Cette histoire donne à rêver. A l'heure où l'industrie du cinéma, la troisième du monde, a atteint une telle puissance et une telle complexité technique, financière et économique qu'elle s'étrangle dans ses propres cuirasses; à une époque où tous les cinéastes pleurent le beau temps du Muet où ils pouvaient faire un film dans leur jardin avec les étrennes de leur oncle; au moment où le moindre devis de film allait déjà « chercher dans les dix ou douze millions » et exigeait la mobilisation d'une armée de techniciens, l'exemple de Rune Hagberg n'est pas seulement une prouesse ni un défi : c'est une illumination. Les « industriels du film » du monde entier nous serinent depuis une décade d'années que le cinéma n'est plus un artisanat et qu'il est sorti de son moyen âge; les historiens du septième art déplorent à qui mieux mieux la disparition du grand cinéma d'amateur, du film de recherche, de laboratoire, d'avant-garde qui féconda, voilà vingt ans, le premier limon cinématographique. 48