La Revue du Cinema (1947)

Record Details:

Something wrong or inaccurate about this page? Let us Know!

Thanks for helping us continually improve the quality of the Lantern search engine for all of our users! We have millions of scanned pages, so user reports are incredibly helpful for us to identify places where we can improve and update the metadata.

Please describe the issue below, and click "Submit" to send your comments to our team! If you'd prefer, you can also send us an email to mhdl@commarts.wisc.edu with your comments.




We use Optical Character Recognition (OCR) during our scanning and processing workflow to make the content of each page searchable. You can view the automatically generated text below as well as copy and paste individual pieces of text to quote in your own work.

Text recognition is never 100% accurate. Many parts of the scanned page may not be reflected in the OCR text output, including: images, page layout, certain fonts or handwriting.

Lubitsch naquit à Berlin d'un père israélite qui était marchand de robes, blouses et manteaux pour dames et, avant de devenir acteur dans la troupe de Max Reinhardt, il débuta comme commis dans le magasin paternel. Il est donc issu de ce véritable clan, plein de couleur locale, qu'on appelait « Konfektion » dans cette ville soumise à une hiérarchie compliquée. Il ne s'agit pas de la haute couture mais de quelque chose comme la rue d'Hauteville plutôt que de la place Vendôme. Les grands fabricants et les grands commerçants de tissus toisaient ces « Mântelmen » (« hommes de manteau » par opposition à « gentlemen ») avec une indulgence méprisante. Ces « Konfektionâre » avaient leur jargon, leurs bons mots et leur mentalité dite « Hausvogteiplatz », du nom de la place autour de laquelle se groupaient leurs maisons. Il faut d'ailleurs préciser que l'esprit de ce milieu, en majorité israélite et d'où devait sortir nombre de cinéastes, n'était pas typiquement juif, mais essentiellement berlinois. Avant que l'hypnose hitlérienne eût provoqué une folie collective et nivelé. les différences entre les provinces allemandes, les Berlinois avaient la réputation de gens à l'esprit vif, positif, toujours à l'affût du ridicule. Depuis deux siècles, on appelait cet esprit le « Berliner Schusterjungenwitz », car c'était surtout les apprentis cordonniers qui étaient célèbres pour leurs reparties tranchantes et manifestaient cette malice soi-disant attique dont s'enorgueillissait Berlin, 1' « Athènes de la Sprée ». ^11 ne s'agit pas de l'esprit gavroche encore proche de Villon des gamins de Paris, mais de quelque chose de plus rude, les garçons berlinois ayant toujours été des durs à cuire.) A cette façon perçante de voir les petites faiblesses des autres et de rire un peu cruellement de leurs malheurs, se mêla le sens de la fatalité des Israélites portant en eux le souvenir de persécutions qui allaient bientôt recommencer; fatalisme coloré par un humour nonchalant et quelque peu cynique de gens habitués à accepter l'inévitable. L'esprit alerte de ce peuple s'harmonisait avec la vivacité berlinoise, son rationalisme avec le matérialisme prussien et sa bonhomie avec la sentimentalité germanique. Cette tournure d'esprit se retrouve dans les romans pleins de digressions et de sous-entendus ironiques qu'écrivait Theodor Fontane vers la fin du siècle dernier. Cet écrivain était issu d'une de ces nombreuses familles huguenotes d'origine française qui peuplaient la capitale allemande, et que les Berlinois appelaient « Koloniefranzosen » car, jusqu'environ 1850, cette petite colonie était restée très fermée. L^n grain de l'esprit français se mêlait donc au.x é'.é.Tients hétéroclites qui composaient la mentalité berlinoise. Frédéric II n'avait-il pas déjà essayé d'imprégner le caractère prussien d'un peu d'intelligence voltairienne. Si l'on doit insister sur les origines berlinoises de Lubitsch, ce n'est pas pour faire l'apologie de ses premières farces vraisemblablement très vulgaires, venues tout droit de ce milieu « Konfektion » — telles Bliisenkonig (Le Roi de la blouse) ou Schuhpalast Pinktis (An Palais des souliers Pinkus) — et auxquelles ressembleront toutes ces autres grossières comédies allemandes qui font paraître délicates les bouffonneries d'un Milton ou d'un Bach, mais parce que le style de Lubitsch a ses racines profondes dans le monde berlinois et que c'est là qu'il faut chercher les origines de sa fameuse touche. Il a emporté avec lui en Amérique cette présence d'esprit berlinoise qu'on appelle « Schlagfertigkeit » (aptitude à rendre les coups), son sens de la repartie, son penchant pour les sous-entendus, son cynisme souriant, son goût du détail réaliste. Tout 4