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deux œuvres qui échauffèrent les esprits ont directement inspiré le Danton que Dimitri Buchowetzki tourna en 1920.
Lubitsch, acteur chez Reinhardt depuis 191 1, aurait donc pu être influencé par le souffle révolutionnaire de ces deux pièces ainsi que par leur actualité; il va pourtant fonder volontairement le scénario de Madame du Barry sur une banale histoire d'amour et la Révolution, abrégée et survenant au lendemain de la mort de Louis XV (sic), n'y servira guère que de toile de fond grossière et colorée, traitée comme une image d'Épinal. Il était dans son tempérament de ne montrer les événements que sous le jour particulier qu'ils prennent vus à travers les rideaux de l'alcôve, — ce qui fera dire à Kracauer que la prise de la Bastille se réduit chez lui aux proportions médiocres d'une vengeance personnelle d'amoureux éconduit.
Pour Lubitsch, au reste, l'Histoire n'est qu'un prétexte à tourner des films en costumes d'époque : soieries et velours attirent l'ancien commis de magasin et ravissent son œil de connaisseur au même instant qu'il flaire l'occasion de mélanger le mélodrame et l'amourette.
Ce qui est beaucoup plus surprenant que sa conception commerciale de l'Histoire (qui ne diffère guère de celle d'aujourd'hui), c'est qu'il n'ait pas été plus influencé — comme le fut Buchowetzki — par les mises en scène de Reinhardt, chez qui il fut longtemps acteur.
En 1916, Reinhardt monta La Mort de Danton dans une atmosphère de clair-obscur, qui devait rester célèbre. Un projecteur énorme faisait surgir des ténèbres, l'une après l'autre, ces scènes courtes, véhémentes et apparemment décousues dont se compose la pièce violente de Biichner. D'une sorte de chaos enténébré jaillissait, pour quelques minutes, la passion, la haine ou l'héroïsme; puis la scène était plongée dans un noir épais avant que soudain la lumière éclate de nouveau à un tout autre endroit 'de la scène — changement rapide que permettait le plateau tournant (« Drehbûhne «) du Théâtre de Reinhardt. Cette impression d'action en mouvement provoquée par le jeu des projecteurs fut encore augmentée quand, en 1919, Reinhardt monta le Danton de RomainRolland sur la vaste arène du Grosses Schaiispielhaus (Théâtre des Dix-Mille) qu'il créa à cette époque.
Dans Madame du Barry, Lubitsch n'utilise ni ce mouvement violent, pourtant approprié à son sujet, ni cette opposition de lumière et d'ombre qui fera bientôt la force du film allemand. Ce courant artistique, l'occasion d'en prendre la tête lui échappa à l'époque même où un Robert Wiene avait déjà compris la valeur du clair-obscur et l'utilisa dans Le Cabinet du Docteur Caligari. Ce manque d'intuition s'explique par le fait que Lubitsch était typiquement berlinois et, comme tel, terre à terre, sans rêves, sans goût pour le mystère.
La prédisposition pour le cauchemar et la hantise morbide d'un mysticisme tortueux arrivent aux Allemands à travers les brouillards de la Baltique, sur les bords de laquelle le grand sculpteur Ernst Barlach conçut Der hlaue Boll, drame envahi par les sorcelleries du diable. L'âme ténébreuse allemande surgit des montagnes de la Bavière et de l'Autriche voisine, où elle se manifeste dans le sabbat de Walpurgis des féroces tragédies paysannes de Richard Billinger. Les scènes de torture d'Anne de Boleyn ou celles de la Terreur de Madame du Barry n'ont jamais la force hallucinante des films classiques allemands telle qu'on la retrouve, même dans le Montreur d'ombres d'Arthur Robison, Américain élevé en Allemagne.
Pour Lubitsch, l'Enfer, comme le Ciel, peut attendre.
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