La Revue du Cinema (1947)

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noir et blanc luisaient sur l'écran : non des échiquiers de cauchemar pour les vampires et les docteurs de ses compatriotes Wiene, Murnau et Lang mais des sortes de plateaux pour étaler et mettre en relief la splendeur des cours, des salles de bal, des restaurants chic fréquentés par une humanité allègre. Des cadres pesamment ornementés entouraient les miroirs, des colonnes puissantes soutenaient les plafonds à corniches compliquées et Jeannette Mac Donald, une traîne de dix mètres attachée à ses épaules, descendait en chantant avec Maurice Chevalier un escalier royal. Les fleurs jaillissaient des vases et formaient des guirlandes sur les terrasses, quand des grooms gantés n'en apportaient pas des bouquets gigantesques... Bientôt le Champagne pétillait et les détonations des bouteilles débouchées étaient les seuls bruits guerriers qu'on pût entendre dans cette ambiance de fête où l'austère Ninotchka elle-même, grise, dansera comme une folle. Les cigarettières aux jambes parfaites dans des jupes plus que courtes surgissaient et disparaissaient comme l'écume dans les coupes. Puis c'étaient les courtisanes en fleurs qui s'ouvraient et se refermaient comme des éventails de plumes sur l'image un peu floue des officiers trinquant et buvant. Il y avait aussi les robes magnifiques de Travis Banton pour Parade d'amour et celle d'Adrian pour La Veuve joyeuse, les habits de cérémonie, les décorations étincelant sur les uniformes, les livrées galonnées des laquais et les fracs des majordomes. Et aucun des maîtres d'hôtel stylés ne perdait jamais rien de tout ce qui rendait sa tenue impeccable : même quand celui de Kay Francis (Robert Griegg) marmonnait son indignation en fermant les portes sur ce qui le choquait (Trouble in Paradise) ; même quand il servait d'interprète complaisant entre deux vieux époux qui ne s'adressaient plus la parole (Le Ciel peut attendre) ; même quand il s'étonnait, sans s'émouvoir, que ^Monsieur rentrât avec une demoiselle des soviets (Ninotchka) et se récriait vertement à l'idée de partager les économies de leurs longues années de travail ! Lubitsch aimait chez Maurice Chevalier, un de ses interprètes préférés, l'élégante aisance avec laquelle il se mouvait dans ce monde dont il semblait être un élément indissoluble et appréciait en outre « sa rare faculté de donner un air innocent à la scène la plus compromettante. Seul un grand artiste peut s'en tirer avec autant de grâce », note-t-il. Sur l'écran de Lubitsch, le costume occupait une place de premier plan. N'oublions pas que le jeune Ernst était né et avait vécu dans la boutique de son père, dont le travail servait surtout à aiguiser l'esprit critique et la malice de l'artiste en herbe. Puis il était passé sous les verrières des studios d'alors, d'abord artisan, puis bientôt acteur; et dans ses dix-huit bandes comiques (i), on peut le voir jouer le commis de magasin de nouveautés, tiré à quatre épingles, faisant la cour à la fille du patron pour devenir riche en l'épousant à la fin. Un homme comme lui ne pouvait pas ne pas devenir riche également dans la vie : non parce qu'il avait tôt appris la valeur de l'argent, non parce qu'il savait parfaitement son métier, non parce qu'il était rusé et avait le don du commerce et de ce qui est bon pour le box-office, mais, par-dessus tout parce que c'était un optimiste. Il n'}^ a pas de meilleur guide, pour d'innombrablespèlerins d'ici-bas, qu'un ami possédant le secret de la bonne humeur. (i) Les premières mises en scène par Max Bahr ou Cari \\'ilhelm, puis les autres par lui-même, en 191 4, au studio Bioscop de Berlin. \'oir l'Index, page 45. 28