La Revue du Cinema (1947)

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univers qu'il créa à l'époque du Million et d'.4 nous la liberté ! René Clair aime le « vaudeville «; à tel point que l'on pourrait dire que ses films sont des vaudevilles où des fantômes costumés courent et cherchent à se rencontrer sans y parvenir, tandis que Lubitsch aimait 1' « opérette ». Tous deux Européens, l'un familier des quais de la Seine et l'autre des rives du Danube, pour se référer à la géographie réelle, ils deviennent citoyens du royaume de Fantaisie dès qu'ils nous emmènent en lUyrie ou à Casinario. Tous deux aiment à remplir de fleurs, de tables couvertes de victuailles, de visages souriants et de musique ces pays d'opérette et d'opéra-comique où l'on ne déteste pas non plus le grand opéra. Clair ne se sert-il pas à merveille des grands airs lyriques dans Le Million et nous serions tous curieux de voir de quelle manière Lubitsch aurait réalisé Aida, film qu'il eut en projet, un moment, sans doute en se rappelant ses adaptations de contes (Sumurun) ou drames (La Femme du Pharaon) orientaux. Leurs affinités de goûts se révèlent même quand Lubitsch semble partir dans une direction opposée à celle de Clair : quand, par exemple, il s'installe confortablement dans ces salons élégants où Clair s'ennuie; mais après s'y être amusé, Lubitsch raille volontiers ceux qui s'y trouvent, voire les ridiculise, comme lorsqu'il caricature la dame qui chante au piano dans Le Ciel peut attendre. René Clair aime rester avec les petites gens, les chauffeurs, les concierges. Lubitsch ne se lie guère d'amitié même avec ses impeccables maîtres d'hôtel et ses employés un peu snobs et il reste parfaitement à son aise dans le faste hollywoodien, alors que Clair semble avoir facilement la nostalgie de ses quartiers populaires où l'accordéon joue complaintes ou javas. Clair aime manier un groupe d'acteurs, souvent moyens, qu'il met tantôt au premier plan, tantôt fait passer dans le fond de ses scènes; alors que Lubitsch adore les grandes vedettes et les partitions célèbres. Non moins célèbres sont devenus les cigares que Lubitsch fumait sans cesse ; et non moins colossaux étaient les stylographes avec lesquels il écrivait ses scénarios... Tandis que René Clair se fie à ses propres moyens et utilise les seules ressources de son esprit, Lubitsch faisait partie du petit nombre de réalisateurs capables de faire de l'art, sans effort, à l'aide la pesante machine de l'organisation hollywoodienne. Leur point de contact en Amérique fut le personnage d'Eugène Pallette, le milliardaire de Fantôme à vendre que Clair avait remarqué dans Parade d'amour et que Lubitsch, dans Le Ciel peut attendre, place à l'extrémité d'une longue, très longue table, à l'autre bout de laquelle, tout en lisant des comics, il observe avec hargne son épouse également hargneuse pendant que le valet de chambre, très digne mais non sans humour, fait l'interprète entre les deux... Leur point de contact européen, c'est le personnage de Maurice Chevalier, c'est-à-dire l'esprit parisien. La France envoya à Lubitsch le roi de son music-hall; et l'ex-petit calico de Berlin répondit avec la musique de Lehar et de Strauss; car son désir était sans doute de faire connaître l'Europe — une douce Europe françois-josépharde arrosée du Champagne de Fallières — aux habitants du Nouveau-Monde. Lubitsch et Clair ne manquent pas de tourner en dérision certains préjugés et ridicules petit-bourgeois et mondains qui leur déplaisent. La noce du Chapeau de paille est signifioative comme le sont la scène des glaces qui tombent dans les décolletés dans A nous la liberté ou l'homme en habit qui bâille dans Quatorze Juillet. Impossible d'oublier l'inoffensif et cocasse mais absurde personnage 32