La Revue du Cinema (1947)

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sous quelque forme qu'on l'envisage, suppose une conscience philosophique, si obscure soit-elle ; il porte sur la vie un jugement de valeur. En modelant ses dieux, le statuaire grec entendait réaliser dans le monde l'image de l'homme par fait. C'est donc qu'il portait sur l'homme naturel un jugement d'imperfection. Si nous mettons tant de complaisance à imaginer le fabuleux, le fantastique, la féerie héroïque ou céleste, c'est toujours en vertu d'une condamnation du réel, trop pauvre et mesquin à nos yeux. Même le ]\Ial, porté à la hauteur du Satanisme, nous paraît une valeur supérieure à la sotte méchanceté des crimes humains. Carabosse est plus intéressante et plus respectable qu'une vulgaire mégère ; elle vit un drame plus grand et nous situe dans un monde plus grand. Et si l'art se contente d'approfondir le réel et l'humain, mais pour en découvrir l'essence, c'est qu'il v voit, suh xpccic aetcrni, ce cpii compte le plus. Tant (]ue l'art s'attache délibérément à réali.ser le surnaturel, il va sans dire que l'injonction réaliste n'a pas à intervenir. Les héros wagnériens, l'Orphée de Gluck, Golaud, Arkel ou Pelléas peuvent être « humains », ils échappent entièrement au réalisme, ils sont surélevés, transposés, leur condition n'est pas tout à fait la condition humaine. Mais si l'art se fonde sur ce qui est — fût-ce pour aller à la recherche de l'essence des choses — l'injonction réaliste s'impose et — c'est là le point le plus important qu'il faut souligner — elle s'impose avec un caractère moral d'honnêteté. Si Téniers peint dans le coin d'une scène d'intérieur un garçon qui se soulage, c'est un appel à la franchise. « Il vous plaît de voir des gens s'esclaffer en peinture, dans la joie de la bonne chère. Ayez donc le courage de considérer ([u'ils ont aussi besoin de se soulager : ce ne sont que des hommes. » Jusque dans ses pires abus, le réalisme se tresse une légitime couronne (le loyauté. Il n'a de sens que par son intention philosophique. Il combat la tricherie sous toutes ses formes et, s'il tombe dans le pessimisme, il se propose en dernier ressort de nous « rabattre le caquet ». Notons (jue l'injonction réaliste se formule de maintes façons. C'est elle qui ordonne à l'artiste d'être vrai, d'être simple, d'être naturel. Quand Hamlet conseille ses comédiens, quand Molière contrefait l'emphatique et ridicule déclamation des tragédiens rivaux, c'est au nom du réalisme (pi'ils demandent cju'on soit naturel. Chaque fois que les tendances proprement idéalistes de l'art, faute d'un élan sincère et victorieux, le jettent dans le poncif et la grandilocjuence ; quand l'héroïsme devient conventionnel, quand la beauté procède de recettes techniques, le réalisme réagit contre la tricherie. Racine et même Corneille ont cherché et trouvé le naturel dans la grandeur. La majestueuse structure du vers rythme avec eux l'expression simple de sentiments vrais. Reniant les héroïques excès du xvi" siècle, ils se sont montrés réalistes. M">e de Lafayette oppose, de même, au romanesque hyperbolique de son époque, le noble réalisme de sa Princesse de C lèves ; et s'il est un ouvrage du xviiie siècle (lui ne nous inspire aucune réserve, c'est bien la réaliste Manon Lescaut de l'Abbé Prévost. Mais lorsque toutes les ressources techniques du classicisme furent épuisées, lorsqu'on n'en tira plus que les poncifs d'un art menteur, c'est dans le romantisme que s'implanta l'injonction réaliste. Même en écrivant Hernani ou Ruy Blas, Victor Hugo tempère son besoin de transcender le ré?l par le rejet du mot noble et l'usage d'un vocabulaire élargi, dans une déclamation ([uasi naturelle, cpii va du lyrisme musical au simple parlé. Le romantisme, dont la grandiloquence et les artihces nous cho(iuent, fut 25