La Revue du Cinema (1947)

Edgar Degas. Les Blanchissseuses. « C'est le monde tout entier, la réalité tout entière qu'il faut peindre. » passionnément réaliste, et pour deux raisons également philosophiques. La première, c'est qu'aux yeux de presque tous les hommes formés à l'école du xviiie siècle, rien n'est supérieur à la Nature parce que la Nature est l'œuvre de Dieu. L'homme ne saurait, en aucun cas, avoir la prétention de faire mieux que son Créateur. Le romantisme condamne donc absolument et sans appel l'idéalisme classique. S'il y a des imperfections dans la nature, elles ont une raison, elles sont voulues et relèvent de la logique divine. Mais ce n'est pas à nous de corriger Dieu. Si tous les hornmes ne sont pas beaux, c'est dans l'homme réel pourtant que nous trouvons, plus souvent qu'on ne pense, toutes les perfections de la Beauté. Ainsi les statuaires grecs ont eu la chance de trouver autour d'eux des modèles admirables. Le rôle de l'art, c'est de copier humblement, fidèlement la Nature, « cette lucarne, disait le grand Rude, par où Dieu se laisse entrevoir ». L'artiste doit être tremblant devant son modèle, parce que son modèle est l'œuvre de Dieu, et qu'il doit tenter, dans son redoutable effort, de retrouver pour la conserver, pour l'exposer à tous, la pensée divine. Mais ce réalisme d'adoration risque de tomber dans une impasse : si nen n'est plus parfait que la nature, il n'est pas de statue plus parfaite que le moulage d'un beau corps. Un sculpteur est-il soupçonné d'avoir secrètement moulé son modèle, c'est un criminel imposteur car il a voulu se faire passer pour aussi malin que Dieu ! Cependant, puisqu'il joue franc jeu, le plus grand portraitiste n'est-il pas tout simplement le photographe? En ce cas, le chef-d'œ;uvre de l'art cinématographique serait l'actualité — ce (pii est absurde. 26