La Revue du Cinema (1947)

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L'art, depuis le xvii<^ siècle, est considéré comme la distraction, le plaisir des grands, de l'élite aristocratique et à présent bourgeoise. Il doit plaire, flatter les nobles sentiments, taire ce que la bienséance, c'est-à-dire le respect de l'ordre établi, veut que l'on cache. Il faut donc d'abord libérer l'art, l'arracher à la honteuse servitude qui l'étouffé. De son rang subalterne il faut le promouvoir au premier de tous. L'art est une religion. L'art juge la laideur et la beauté de la vie, les sentiments vrais, les hauts espoirs sincères, les héroïsmes gratuits, mais aussi les hypocrites turpitudes. L'art n'est pas fait pour plaire à quelques-uns, mais pour dire la vérité à tous. A la glorieuse quiétude des bien-pensants, à la bonne opinion que les classes possédantes ont d'elles-mêmes, au patriotisme de commande qu'elles claironnent, il faut opposer l'humaine réalité : la misère, l'inculture, la douloureuse brutalité du peuple et les inexprimables horreurs de la guerre. La véritable hiérarchie des valeurs établit que, pour un peu de bonté, pour un peu de beauté, notre monde étale un affreux abaissement, une monstrueuse bestialité. Pour la réformer il faut la connaître, il faut la montrer. C'est pourquoi le réalisme a eu, dans notre siècle, un tel retentissement. Il va de pair avec un immense effort de rénovation sociale et culturelle dont il a contribué largement à faire sentir la nécessité. Que l'on ne s'endorme pas : voilà le monde tel qu'il fut, voilà le monde tel qu'il est encore ! Zola a eu raison de peindre ses Rougon-Macquart, de se pencher sur la puissante rigueur de la vie paysanne, sur l'enfer des mines, sur l'avilissement de L'Assommoir. Et Barbusse a eu raison de jeter l'inconcevable inhumanité de la guerre à la face de ceu.x qui croyaient, paisibles, que nous retournions joyeusement au front, en fredonnant pour eux la Marseillaise / Seulement le Réalisme est tôt ou tard victime de la même dénaturation qui frappe tous les grands élans de l'esprit, il se schématise en poncifs. Le souffle vital, qui remplissait d'une génération forcenée l'univers naturaliste de Zola, sombre dans un érotisme stérile, dans une complaisance onanique de l'âme et du corps. L'étincelante et cruelle réalité du divers tourne au noir. Il n'y a plus que du noir, il n'y a plus que le noir. Sadisme et masochisme jouent au plus fort dans les ténèbres. « Au premier de ces cochons ! » La misère du monde, la bêtise du monde ruinent et ridiculisent le clinquant de nos hautes spiritualités, de nos vertueux enthousiasmes, de nos ambitions eschatologiques. La réalité est bestiale, stupide et bestiale, et les plus jolis rêves n'ont jamais servi que de miroir aux alouettes pour sucer jusqu'aux moelles les plus sots d'entre nous. Le dernier mot du réalisme c'est, en fin de compte, le mot de Cambronne. Arrivé là, le réalisme est odieux, odieux et injuste. Toutefois, s'il ne pousse pas jusqu'à la limite, le réalisme pessimiste garde une troublante puissance philosophique. Mémento quia piilvis es. Souviens-toi aussi que tu es un animal, rien qu'un animal à la surface d'un astre mort. Tes rêves d'évasion? Chimères! Tes rêves d'infini et d'éternité? Chimères ! De perfection? Et de quel droit te fais-tu juge, et que sais-tu, bon animal? Animal tu nais, tu procrées, tu meurs et redeviens poussière. Il n'y a pas d'autre réalité, ou bien personne ne la connaît. Ainsi le matérialisme absolu — je ne dis pas le matérialisme dialectique — s'approprie facilement le réalisme. L'art a beau jeu s'il lui suflit de mettre en valeur notre humaine animalité car elle nous suit pas à pas et nous ne pourrions rien faire sans elle. Mais ici le réalisme triche à son tour : l'animalité n'est pas tout. Prenons un exemple. Si je filme un accouchement en clinique, c'est un documentaire. Si j'introduis la même scène dans une représentation artistique de la vie dans une histoire, je souligne intentionnellemont l'aspect physiologi(iue. animal' 28