La Revue du Cinema (1947)

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à en concevoir ni même deviner le qualité. Après cinq siècles de débordements puis de panique naturaliste dans le Réalisme !... Pourtant ce sont eux qui ont réussi à donner le plus de relief aux images du film à deux dimensions. On pouvait presque cueillir les fruits tendus, tout constel'és de gouttes de pluie, dans les vergers de La Terre, après l'orage. Et sur le sable de Bora-Bora, la perle maléfique de Tabou a brûlé nos yeux comme une larme. Et jamais nous n'avons vu la mort faire son travail invisible avec plus de soin que lorsque se délie le fagot qui soutenait le corps évanoui de la naufragée de L' Aurore. Auteur d'une quinzaine de films post-romantiques, post-expressionnistes et idéalistes en Allemagne puis en Amérique, Murnau (i) a donc laissé fort peu de témoignages écrits de ses conceptions artistiques mais de solides manifestations de son génie particulier. Quelque temps avant de s'embarquer, maître à son bord et maître de son travail dans son île, pour réaliser Tabou avec la collaboration de Robert Flaherty, il avait déclaré pourtant son intention de tourner un film (muet) entièrement situé dans un seul décor : formidable démonstration du dynamisme intérieur de l'image figurée; et aussi magnifique preuve de confiance en ses dons et en sa science d'un homme capable d'exprimer le sens et la force de chaque « note ■> de sa musique visuelle : matière, lumière, objets, gestes, fragments de temps reflétés ou représentés, signes de vie, d'échanges, de lutte et de mort; magnifique assurance de l'ouvrier qui se prolonge dans la matière qu'il façonne et qu'il anime. F. W. Murnau a eu le pouvoir de se mouvoir dans diverses époques et divers pays, divers mondes même (naturel, surnaturel, fantastique, imaginaire, etc.) parce que, tout en suivant sa nature, il a voulu accorder l'harmonie de ses œuvres avec celle de l'univers. Ses images sont si parfaites qu'il semble qu'elles n'auraient pu exister sous aucune autre forme, et tout objet banal y semblait visible pour la première fois, — vertu magique de l'artiste qui matérialise ses visions personnelles pour composer son ouvrage au lieu de se servir avec plus ou moins de virtuosité de matériaux pris tels quels dans la réalité. Sachant utiliser son outil (technique) en vue de l'expression bien définie de son idée, son récit en images est tellement évident que le découpage et le montage sont établis selon la syntaxe la plus dépouillée ; et Murnau nous fait voyager dans l'espace et dans le temps ou passer de l'actuel au rêve et à l'irréel sans le secours d'aucun effet photographique spécial. Conter sur l'écran de la manière la plus fluide et la plus limpide avec une Chaplin syntaxe frugale, saisir en raccourcis poignants l'essentiel de la comédie humaine et lui conférer une valeur universelle, c'est également le fond delà théorie virtuelle d'un Charles Chaplin, dont les confidences artistiques sont aussi éparses que frag mentaires. Mais l'installation de son studio, vieillotte et très insuffisante aux yeux du technicien, divulgue déjà tout un programme; et son œuvre, tout entier traversé d'éclairs cruels sur les réalités de la vie, est à lui seul un manifeste antinaturaliste. Toujours violemment révélateur, parfois génial, souvent irrésistiblement drôle ou émouvant, même obscène, le trait chaplinien est sans exception symbolique et plus vrai que le vrai parce que jamais descriptif, documentaire ou imité. Nulle vue documentaire, du plus cru et plus sinistre pittoresque, ne peut éclipser la terrible grandeur de la solitude, de la résignation et de la candide espérance (i) Né en Westphalie en 1889, mort accidentellement en Californie en 1931. 47