La Revue du Cinema (1947)

Record Details:

Something wrong or inaccurate about this page? Let us Know!

Thanks for helping us continually improve the quality of the Lantern search engine for all of our users! We have millions of scanned pages, so user reports are incredibly helpful for us to identify places where we can improve and update the metadata.

Please describe the issue below, and click "Submit" to send your comments to our team! If you'd prefer, you can also send us an email to mhdl@commarts.wisc.edu with your comments.




We use Optical Character Recognition (OCR) during our scanning and processing workflow to make the content of each page searchable. You can view the automatically generated text below as well as copy and paste individual pieces of text to quote in your own work.

Text recognition is never 100% accurate. Many parts of the scanned page may not be reflected in the OCR text output, including: images, page layout, certain fonts or handwriting.

présentais ledit ménage royal faisant la vaisselle en sifflotant Le P'tit Quinqiiin. Or, par déviations successives, le terme réalisme s'applique à la peinture du côté sordide de la réalité en négligeant le reste. De même que la chanteuse « réaliste » ne chante que l'évier, la poubelle et la morgue, la caméra réaliste ne devrait plus opérer que dans la zone et les bordels, survoler les égouts et se vautrer dans les bassesses des bas-fonds. C'est avoir la vue basse. ■ Mais le choix du sujet ne signifie rien. On peut vouloir montrer la vie de son époque, sans compromissions et sans faiblesse. On peut traiter de la misère la plus atroce sans pour cela nager à plaisir dans les eaux grasses et faire de la basse besogne. Inversement, le sujet peut indiquer une complaisance dans le trivial, une obtuse obscénité, sans traduire quoi que ce soit de l'amère réalité. Mais si l'on veut mordre la vie à pleines dents, comme une pomme, qu'on ne nous jette pas un trognon véreux à la figure ! ■ Quelqu'un écrivait à propos du Rossellini de 1946 : « La vie recommence à gicler sur l'écran et non pas le semblant capté dans de savants éclairages. » Et il s'en félicitait, en demandant que des metteurs en scène sachent explorer le quotidien, pendant que d'autres couperaient les amarres et s'évaderaient dans le rêve. Ce quelqu'un, je m'aperçois que c'était moi dans le numéro 3 de cette revue même, et j'appelais de tous mes vœux sur l'écran « Poésie et réalité, en place de l'habituel mensonge sans poésie et sans réalité. « Cette auto-citation n'a pour but que de rappeler qu'il existe une autre voie. ■ Pour le choix des éléments, prenons un exemple. Supposons que le cinéaste (ou l'écrivain) notent sur la pellicule (ou le carnet) toutes les conversations qui ont eu lieu en une journée dans la boutique d'un coiffeur. Ils ne trouveront peut-être pas plus d'une seule réplique à utiliser pour leur œuvre. Ces mots ne seront plus alors du réel mais, élaborés, deviendront de l'art, parce qu'ils auront été choisis et qu'ils prendront leur valeur dans la suite filmique (ou romanesque). Prenez les dialogues apparemment les plus réalistes et les plus proches (parce qu'extérieurs) du cinéma : ceux de la littérature américaine, notamment ceux de Hemingway. Vous croyez, parce qu'ils semblent directs, tels quels, que ce sont là des « paroles volées à l'écoute » et mises bout à bout sans art ? Mais là aussi, c'est de l'artifice et ces éléments prétendus réalistes sont très habilement composés, — je dis bien : composés. En supposant que le cinéaste dispose une série de caméras à toutes les portes et fenêtres d'un carrefour, les bandes obtenues ne seront rien d'autre pour lui qu'un matériau romanesque qu'il devra mettre en forme, comme l'écrivain peut partir de faits réels pour en tirer une vérité plus profonde. ■ A propos de ces yeux plongeant au carrefour, il faut noter une confusion souvent commise : un Rossellini jouant de sa caméra dans la rue comme un reporter d'actualités nierait l'art parce qu'il utiliserait aveuglément devant le spectacle possible sa machine à piéger le réel ? C'est refuser à l'art un de ses aspects qui est parfois d'improviser sur-lechamp sa transfiguration. La chimie élaboratrice d'un Daumier fonctionne sur le vif. Mais quelle torsion il fait subir au réel en le notant ! La caricature de Thiers par Daumier, c'est M. Thiers plus M. Daumier, et cela dès que le crayon mord le carnet ! ■ Sur le style, il n'y a pas grand'chose à en dire, sinon qu'il traduit la personnalité et constitue l'élément « transligurateur ». Sans le style, il n'y a plus d'œuvre d'art et, même, si un cinéaste prétend faire du «cinéma automatique il devient l'instrument du hasard, en même temps (jue le hasard devient sou 52