La Revue du Cinema (1947)

Record Details:

Something wrong or inaccurate about this page? Let us Know!

Thanks for helping us continually improve the quality of the Lantern search engine for all of our users! We have millions of scanned pages, so user reports are incredibly helpful for us to identify places where we can improve and update the metadata.

Please describe the issue below, and click "Submit" to send your comments to our team! If you'd prefer, you can also send us an email to mhdl@commarts.wisc.edu with your comments.




We use Optical Character Recognition (OCR) during our scanning and processing workflow to make the content of each page searchable. You can view the automatically generated text below as well as copy and paste individual pieces of text to quote in your own work.

Text recognition is never 100% accurate. Many parts of the scanned page may not be reflected in the OCR text output, including: images, page layout, certain fonts or handwriting.

graphiques qu'on va lui appliquer et, si l'intensité de l'émotion ressentie par le spectateur est plus ou moins grande que dans le cas de la représentation scénique, le film sera meilleur ou moins bon que la pièce. On dira généralement sans raison que le sujet était plus ou moins cinématographique que théâtral, alors que simplement les moyens cinématographiques ou théâtraux utilisés étaient plus ou moins adéquats au sujet. La question qui se pose donc tout de suite après celle du sujet est de savoir en quoi l'expression cinématographique diffère fondamentalement de celle du théâtre. Dans les deux cas, il s'agit de la représentation d'une action mais, tandis qu'au théâtre le support de cette action est le personnage dramatique tel qu'il est incarné concrètement par l'acteur, à l'écran, c'est dans l'image (sonore et parlante) que le personnage s'intègre comme élément sans prendre ni plus ni moins d'importance que l'objet. (Remarquons qu'au contraire du cinéma, dans un théâtre idéal, des personnages revêtus de couleurs unies joueraient devant un simple fond coloré.) Comme l'a dit Émile Gouhier dans son livre sur L'Essence dit Théâtre, cette essence est la présence. Le personnage de théâtre vit dans le même monde que le spectateur, la rampe est une fausse séparation qui doit disparaître. Quand Orson Welles, dans ses mises en scène de théâtre, éclaire le public avec un projecteur, c'est pour l'intégrer dans l'action qui se joue sur la scène. Quand, pendant les entr'actes, il envoie quelques figurants tirer des coups de revolver sur les spectateurs, c'est pour qu'ils continuent à participer à cette action. Au cinéma, au contraire, une action représentée par une image n'a qu'un seul moyen pour s'exprimer : le mouvement. Il y a séparation complète entre le monde à deux dimensions en noir et blanc de l'écran et le monde dans lequel vit le spectateur. Aucune communication par contact humain ne peut intervenir par laquelle l'émotion se transmette comme au théâtre, et l'image agit sur notre psychologie de façon purement mécanique par ses variations dans le temps : d'oîi cet ancien attachement à la notion, sinon fausse du moins tellement incomplète ! de la poursuite, thème de mouvement cinématographique par excellence. En fait, comme le prouvent certaines réalisations récentes, tous les sujets dramatiques sont des sujets cinématographiques et c'est dans l'expression à l'écran de ce sujet que le mouvement doit intervenir. On constate par expérience que la nature de ce mouvement cinématographique doit varier selon le sujet à exprimer. Les deux moyens fondamentaux pour introduire le mouvement à l'écran sont naturellement le découpage et le montage. Le film de montage est surtout propre à exprimer une action de mouvement extérieur. On pense à la révolte fameuse du Cuirassé Potemkine. Il s'agit ici non pas seulement du mouvement de ce qu'on photographie (puisqu'à l'extrême, Emmer, dans ses films de tableaux a pu recréer dans le temps une action simplement figurée, immobile dans l'espace, par Giotto, Bosch ou Piero Della Francesca) mais du mouvement des images elles-mêmes. La façon dont les divers plans se succèdent, s'enchaînent, se heurtent, intervient pour créer un rythme visuel. Ce rythme agit sur notre faculté d'émotion soit simplement physiquement : contrastes ou harmonies des lignes ou des tons qui se succèdent dans le temp.s, soit intellectuellement : contrastes de significations (personnages ou objets). Eisenstein fait même intervenir dans Potemkine un symbolisme particulier. Ainsi les quatre lions de pierre photographiés successivement : le lion couché, le lion assis,le lion debout, le lion dressé suggèrent que l'anima) terrifié se lève et recule devant la troupe des manifestants. 58