La Revue du Cinema (1947)

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l'arbre et prend la même apparence fantastique. Tout à coup la tempête agite les basques de son habit comme celle d'un épouvantail grotesque et son parapluie déformé pointe comme une arme. La silhouette du bon bourgeois est devenue menaçante et c'est plus par l'agitation insolite et forcenée du costume que par les gestes ou la mimique que le personnage prend cette sinistre apparence. Déjà, dans les romans et contes d'E. T. A. Hoffmann, dont ces films s'inspirent, des transformations inopinées d'individus inoffensifs en créatures de cauchemar se produisent comme sous l'effet d'une intervention démoniaque ou dans les lueurs d'une imagination extravagante; et toujours c'est l'habillement qui change d'aspect, se dénature, s'étire, se gonfle ou se gondole comme dans un miroir déformant pour si bien reprendre, l'instant d'après, son état normal et .son ordre que le spectateur peut se demander s'il n'a pas été victime d'une hallucination. C'est ce qui arrive à l'étudiant Anselme du Vase d'or en regardant s'éloigner rapidement le digne archiviste... Et ne trouve-t-on pas une préfiguration de Scapinelli dans ces lignes d'Hoffmann : « Alors le vent s'engouffra dans l'habit distendu et en fi.t flotter les basques qui s'écartèrent et s'élevèrent comme deux ailes immenses; et l'étudiant Anselme crut voir un grand oiseau prendre vivement son essor ! » Un vautour tout d'un coup s'envole et l'étudiant se demande avec angoisse si c'est le battement des ailes qu'il a pris pour le flottement des basques de l'habit ou si vraiment l'archiviste vient de se métamorphoser en oiseau de proie. Il n'y a guère de frontière entre le monde normal et le monde surnaturel des sorciers dans le romantism.e allemand et les cinéastes ont su profiter de cette liberté de rftouvement et de cette anarchie qui ne troublaient nullement les spectateurs nourris, dès l'enfance, d'histoires de fantômes et de sorcellerie. Dans son livre. Film imd Expressionismus, Rudolf Kurtz semble faire allusion à ce don inné de la transformation lorsque, dans son style contourné et assez souvent expressionniste également, il déclare que l'aspect d'un personnage, dans un film, ne représente qu'un élément de forme « motorique », — mot intraduisible qui voudrait dire à la fois mouvementé et dynamique; c'est-à-dire qu'avec la phraséologie assez obscure de son époque, Kurtz veut péremptoirement démontrer que l'élément décoratif d'un costume, en plus de sa valeur psychologique, devient, par les modifications de son aspect et la façon dont on peut animer sa silhouette, un facteur dramatique de l'action. Là où un Français ne manquera pas d'apprécier la qualité plastique et figurative de jeux d'ombres et de lumière, les Allemands, avec leur manie d'interpréter les faits, y déchiffreront des intentions quasi métaphysiques. Ainsi Lupu Pick a-t-il pu dire que le but du Lichtspiel (i) est de manifester « l'éternelle alternance de clarté et d'ombre qui a lieu dans les relations psychiques des êtres humains ». Et dans le même sens, modelé, effacé, mis en relief ou rendu mystérieux par les éclairages, le costume joue son rôle dans les relations extérieures de ces êtres, conditionnées, souvent inconsciemment, par leurs différents états psychologiques. La sinueuse pensée allemande complique à tel point la notion abstraite de l'habillement qu'elle arrive à en changer complètement la signification extérieure. Dans son film Von Mcr^en bis Mitternacht [De l'aube à minuit), Karl Heinz Martin fit peindre des taches et des rayures claires ou fi) Littéralement «jeu de lumière». Lichtspiel, par une rencontre significative, est le terme officiel et commercial qui désigne le « film ». 78