La Revue du Cinema (1947)

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L'étoile du shérif, qui passe de chemise en chemise dans le sauvage Ouest où les revolvers partent tout seuls, est une véritable étiquette, ici, la loi, qui rassure le public pressé de s'y reconnaître en moins de deux secondes dans l'imbroglio qu'il veut s'amuser à débrouiller sans fatigue. La tenue rayée des bagnards ou l'uniforme gris des pénitenciers sont reconnaissables au premier coup d'oeil comme le pavillon qui flotte au mât d'un bateau. L'é!;iquette ou le signe qui ne s'adresse pas à la raison doit, alors, frapper l'inconscient. Ainsi l'impassibilité de Keaton ne fut jamais discutée, tant ce sérieux incroyable contenait à la fois de timidité et de résolution, d'ingénuité et de ruse. Pour Max Linder, qui était un comédien accompli, il n'y avait pas de doute non plus : c'était le boulevardier, le fils à papa ou le « petit crevé » de son époque légère. Ses tours inopinés d'acrobate ne faisaient qu'augmenter la gaîté du spectateur, par la surprise. Mais, de film en film, on pourrait relever une liste des accessoires à l'aide desquels, chaque fois, il prenait soin d'annoncer ses intentions, son humeur ou sa situation du moment : canne désinvolte, galant bouquet, gants « beurre frais », valise, chapeau (de forme ou melon ou mou, frivole ou cérémonieux), chien en lais.se, jumelles en bandoulière, etc. Nous nous sommes attardés au chapitre des types comiques parce que notre démonstration est d'autant plus claire, avec ces figures caractérisées; mais de Max Linder, il est facile de passer à Douglas Fairbanks père, autre acteur de génie et personnage moderne d'une poésie naturelle qui se montra également libre sous les costumes de Robin Hood, du Pirate noir et du Voleur de Bagdad; et dans les ouvrages de tous les grands réalisateurs, on peut remarquer le souci de donner une définition synthétique des personnages au moyen de leur costume. Dans La Jeunesse de Maxime, Kozintsev et Trauberg ont souvent employé la cravate et le canotier pour signaler grosso modo le « bourgeois ». Dans" Tonnerre sur le Mexique, Eisenstein a opposé les hacienderos coiffés de grands chapeaux brodés aux peones en guenilles; et le bellâtre, qui abusera de la paysanne et provoquera le drame, a des moustaches et des pantalons rayés qui lui donnent un air grotesque. Dans La Bête humaine, Renoir habille la petite bourgeoise ambitieuse, chatte griffue et maléfique, d'une robe noire contre laquelle, de plus, elle presse un minet qui n'est pas vainement décoratif. Autre chatte maléfique, la Giovanna d'Ossessione, que Visconti n'a pas seulement dépouillée de tout maquillage mais dont il a accentué l'attrait purement animal en la recouvrant de robes noires, banales, fatiguées, faciles à trousser. Seule la robe courte et effrangée de la Paulette Goddard aux pieds nus des Temps modernes rend la misère plus crûment séduisante. Les pauvresses de Grifiàth amassaient plus de tristes affutiaux autour de leur grâce maigrichonne, mais la mode du moment le voulait, et ce honteux souci de faire bonne figure a du style, dans Broken Blossoms ou dans Way Down East : le style même du vieux maître, qui ne laissait rien au hasard et qui, obéissant aussi à certains complexes, se référait d'abord à toute une « mythologie » de romancier; car Griffith fut le premier grand auteur de films en même temps que le premier grand styliste; et, dans cette « langue » que tant de cinéastes emploient encore universellement pour faire leurs films, le costume avait une qualité précise d'attribut et aussi d'adjectif, une force 98