La Revue du Cinema (1947)

Record Details:

Something wrong or inaccurate about this page? Let us Know!

Thanks for helping us continually improve the quality of the Lantern search engine for all of our users! We have millions of scanned pages, so user reports are incredibly helpful for us to identify places where we can improve and update the metadata.

Please describe the issue below, and click "Submit" to send your comments to our team! If you'd prefer, you can also send us an email to mhdl@commarts.wisc.edu with your comments.




We use Optical Character Recognition (OCR) during our scanning and processing workflow to make the content of each page searchable. You can view the automatically generated text below as well as copy and paste individual pieces of text to quote in your own work.

Text recognition is never 100% accurate. Many parts of the scanned page may not be reflected in the OCR text output, including: images, page layout, certain fonts or handwriting.

« Evelyn Brent dans Les Xuils de Chicago, Esther Ralston dans Le Calvaire de Lena X..., Betty Compson dans Les Damne's de l'océan, îlarlène Dietrich dans L'Ange bleu et dans Blonde Vénus... toutes n'ont fait, sur l'écran que prêter leur forme aux émotions, au trouble intérieur, au talent de Sternberg. Et cette forme même, il l'a embellie, façonnée car, mieux que les couturiers sans imagination, il connaît la valeur d'une robe et ce qu'elle peut apporter à une femme de troublant et de désirable. Il aime la douceur des plumes autour du cou, les dessous de dentelle, les pieds cambrés sur les hauts talons absurdes, les longs bas transparents, les jarretières et les jarretelles, tout un érotisme un peu suranné de corsets et de chevilles fines, qu'on redécouvre avec un plaisir nouveau. Il sait aussi ce qu'une ride légère, un doux fléchissement de la chair, un cerne imperceptible ajoutent à un beau visage, et il existe une blondeur Sternberg, pâle, rafraîchissante, appelant la caresse, qu'il donne parfois à ses femmes, quand il est lassé de les voir brunes. Ainsi transformées elles ne sont plus elles-mêmes mais des émanations de Sternberg, le portrait multiple et au fond toujours le même de la femme qu'il aurait pu aimer ou de celle qui lui aurait ressemblé comme une sœur. « ... Tout le monde remarque ces créatures si belles qui vivent, dans les films de Sternberg, les instants les plus tragiques, les plus émouvants de leur existence imaginaire. Elles ne ressemblent plus aux poupées bien peintes qui, dans les magazines, portent leurs noms. Hautaines, fatiguées, elles traînent sur les divans, une cigarette aux doigts, croisant haut leurs jambes souples, avec sur la figure toutes les marques sans espoir de l'amour. Et tout le monde songe : « Quelle splendide actrice ! » sans réfléchir que c'est Sternberg qui prend à travers elles ces poses nonchalantes, que c'est lui qui parle avec leur voix douce et voilée, que c'est son regard qui filtre entre leurs paupières lourdes. Peu importe d'ailleurs; le but est atteint, qu'on les aime ou qu'on les déteste, puisque, malgré soi, on conserve le souvenir de ces créatures passionnées autour de qui sans cesse l'amour intervient, meurt et renaît, et qu'invente, pour se délivrer d'elles, sans le souci de ce qui arrivera ensuite, Josef von Sternberg ». (5) Osc.\R W'iLUE, Intentions (traduction de Philippe Xeel, Stock, Paris 1928), dans l'essai La Vérité des masques, note que nul dramaturge ne « demanda autant. d'effets d'illusion aux costumes de ses acteurs » que Shakespeare. Il écrit ensuite : « Je ne prétends pas, d'ailleurs, insister sur le fait que Shakespeare appréciait les beaux costumes pour ce qu'ils ajoutent de pittoresque à la poésie, mais bien sur ce qu'il comprit l'importance du costume en tant qu'élément dramatique. Maintes de ses pièces (...) tirent l'essentiel de leur illusion des costumes divers portés par le héros ou l'héroïne (...) Quant à l'usage que Shakespeare fait des déguisements, les exemples en sont innombrables (...) « Non moins nombreux les cas où le costume sert à corser la situation dramatique. Après le meurtre de Duncan, Macbeth apparaît en chemise de nuit, comme un homme arraché au sommeil. Timon achève en haillons la pièce commencée dans la splendeur. Richard, quand il flatte les citoyens de Londres, promène une armure misérable et rouillée, puis, dès qu'il a accédé au trône dans le sang, se montre couronne en tête, avec Saint-Georges et jarretière ; le point culminant de La Tempête est celui où Prospero, dépouillant sa robe d'enchanteur, faire quérir par Ariel son chapeau et sa rapière et se révèle sous les traits du grand -duc italien ; le spectre même de Hamlet modifie, au gré des effets qu'il poursuit, son appareil mystique. Pour Juliette enfin, un auteur moderne, la couchant dans son linceul, eût fait de la scène funèbre une scène de simple horreur, tandis que Shakespeare la parant d'un vêtement somptueux, dont la splendeur fait du caveau une hunineiise salle de fête et du tombeau une chambre nuptiale, fournit à Roméo le prétexte et le motif de sa tirade sur la beauté triomphant de la mort. « Les plus minces détails, la couleur des bas d'un majordome, la broderie d'un mouchoir de femme, la manche d'un jeune soldat, un chapeau d'élégante prennent dans Shakespeare une véritable importance et conditionnent parfois, d'évidente façon, l'intrigue même. Nombre de dramaturges ont eu recours au costume, pour indiquer, de prime abord, au spectateur, le caractère d'un personnage, mais ils y ont rarement réussi comme Shakespeare dans le cas du dandy Parolles, dont, entre parenthèses, un archéologue peut seul comprendre l'accoutrement. (...) Mais nul aussi bien que Shakespeare ne sut, des seuls détails de mise et de parure, tirer autant d'ironie et d'oppositions, autant d'émotion et de pitié, autant d'effets directs et tragiques. » 112