La Revue du Cinema (1947)

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de la toile) entretient en effet avec l'image qu'il enferme un rapport rigoureusement inverse de celui des bords de l'écran. Le cadre est constitutif de la peinture, il définit le microcosme pictural comme radicalement hétérogène à l'univers qui l'entoure, il est le signe d'une extériorité ontologique de l'image qu'il régit par rapport aux images du monde extérieur. Par essence, la peinture est close : insérée par force dans le monde naturel. Le cadre pictural est donc centripète, orienté vers l'intérieur. Au contraire, tout ce qui est projeté sur l'écran est nécessairement, en raison de sa nature photographique, perçu comme indéfini, assimilé au monde extérieur. L'écran n'est pas un cadre mais un cache ou, si l'on veut, une fenêtre, ou, si l'on veut encore, un miroir; il est centrifuge, l'image se poursuit virtuellement sans limite au delà du rectangle noir qui restreint notre vision. En d'autres termes, la photographie et a fortiori le cinéma nous montrent toujours un fragment de l'univers. La trouvaille fondamentale d'Emmer, celle dont tout découle, c'est de ne jamais montrer les limites de l'objet pictural, c'est-à-dire d'insérer l'écran dans le cadre et donc de nier celui-ci. L'opération comporte une chimie et une physique. D'abord muter la peinture en photographie, ce qui permet ensuite de traiter la nouvelle image exactement comme l'univers, de nous la présenter successivement comme autant de fragments d'un monde indéfiniment étendu, homogènes à l'espace virtuel qui nous est caché. Dès lors, le cinéaste nous a psychologiquement introduit dans le monde de l'artiste. La formule n'a plus rien ici d'une métaphore, il ne s'agit pas d'une identification imaginaire, d'une participation affective ou intellectuelle, mais d'un phénomène absolument indépendant de notre degré de conscience et qui intéresse la racine même de la percep tion. Il ne nous est plus possible d'échapper au monde du peintre puisque le tableau est devenu : Le Monde et que, donc, nous sommes maintenus dedans sans aucune référence à un autre univers ni surtout à l'Univers tout court. La caméra a psychologiquement créé une quatrième dimension aussi illimitée que les trois autres et qui se développe à l'intérieur du tableau. C'est en partant de cette précipitation de l'image picturale dans l'Univers qu'Emmer a pu se permettre son analyse dramatique. Il importe de ne pas confondre les deux aspects de l'opération, le premier était la condition du second. Mais qui ne voit que toute peinture ne se veut pas dramatique et que le cinéaste reconstruit ici le tableau sur une autre structure que celle voulue par le peintre? Le constater n'est pas nécessairement lui en faire le reproche. Nous dirions même volontiers que la dramatisation est d'autant mieux fondée que la peinture n'est pas trop dramatique, c'est-à-dire anecdotique. Quand il s'agit de « primitifs " qui se sont par exemple efforcés d'intégrer un développement successif dans le cadred'un même tableau comme, Jérôme Bosch ou ^lemling, le cinéma vient en quelque sorte déplier la superposition picturale et donc nous mettre en contact direct avec l'invention du sujet, Il se peut même que, dans le cas d'une peinture non anecdotique, la dramatisation en renouvelle la vision plus fortement encore par l'introduction d'un mo\-en d'appréhension étranger. L'intérêt du procédé d'Emmer est certain. Esthétiquement, il constitue une sorte d'œuvre au second degré, dont l'existence ne peut être contestée. Dans la mesure où elle ne prétend point être une représentation fidèle de la peinture mais ime interprétation par le cinéma, rien à dire, elle est une œuvre cinématographique. D'autre part , sa valeur pédagogique est puissante. Il faut une grande culture ou une sensi Ii6