La Revue du Cinema (1947)

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bilité exceptionnelle pour jouir d'une peinture dont l'anecdote ne constitue pas l'essentiel, tandis que tout homme, même le plus inculte, est immédiatement sensible au drame. En identifiant le tableau au monde naturel, Emmer le place d'abord sur le plan de l'expérience réaliste à laquelle nul n'échappe. En le reconstruisant selon une succession de causes et d'effets, en le dépliant en récit, il permet à tous, sans préparation, d'accéder à l'émotion. Mais, dira-t-on, quelle émotion? Estelle encore picturale? Le plus important n'est peut-être pas là. Il pourrait nous suffire, picturale ou non, qu'elle soit esthétique. Or, en lui-même, le procédé ne le garantit pas. Le danger des films d'Emmer, c'est qu'ils valent surtout par leur auteur et qu'on frémit en imaginant les résultats d'une telle méthode inconsidérément appliquée par des cinéastes qui ne posséderaient pas son intelligence picturale. Mieux, Emmer ne pourrait pas continuer indéfiniment de réaliser de tels films ( et il est premier à l'avoir compris). Enfin, et ceci est plus grave, les films d'Emmer mêmes ne gagnent pas à être revus trop souvent (alors qu'on n'en peut dire autant des œuvres qu'ils utilisent). Les dangers et les limites de la reconstruction dramatique éclatent jusqu'au ridicule si on l'imagine un instant appli(]uéc par exemple au Sacre de Napoléon par David. Il n'en resterait plus qu'une actualité reconstituée. Le premier gage de qualité du Van Gogh réalisé par Alain Resnais sur le scénario de Gaston Die) h et de Robert Hessens, c'est précisément qu'on en imagine moins facilement le pastiche. Il serait aussi injuste de ne pas reconnaître ce qu'il doit à Emmer, de ne point voir en quoi il s'en distingue ou le dépasse. Le principe fondamental est le même : nous introduire dans l'univers du peintre en insérant l'écran dans le cadre. Mais ce réalisme au second degré n'est pas utilisé aux mêmes fins dramatiques. La prétention des auteurs est ici à la fois plus modeste et plus aventureuse : plus modeste en ce sens qu'ils ne prétendent pas reconstruire telle ou telle œuvre de Van Gogh, ni même une sorte de tableau synthétique fait d'un montage de plusieurs toiles. Dans le mesure où l'intention s'y trouve, elle est heureusement maintenue au second plan. Le cinéma conserve à l'égard de la peinture une humilité toujours sensible : s'il ose s'en servir, il ne cherche pas à nous convaincre qu'il nous en a rendu un compte exhaustif, tout au plus une introduction. Mais, d'un autre côté, Alain Resnais, Gaston Diehl et R. Hessens prétendent faire un film sur l'artiste et pouvoir retracer à travers sa peinture la vie, au moins idéalisée et simplifiée, de Van Gogh. Il serait assez vain de trancher si une telle prétention est psychologiquement et esthétiquement fondée. Là-dessus, professeurs et critiques peuvent disputer pour au contre. Plutôt qu'aux théories sur la psychologie de la création, il vaut mieux se référer aux résultats. Or, il ne fait point de doute que, pour certains artistes au moins, l'œuvre est en prise assez directe sur la biographie pour que l'une et l'autre s'éclairent réciproquement. C'est bien le cas de Vincent Van Gogh. C'est bien aussi pourquoi le même film ne serait évidemment pas possible avec Braque, Matisse ou Manet. Mais la biographie spirituelle de Van Gogh .se confond avec sa peinture, jusque dans la technique même de son travail. A l'inverse de Cézanne revenant un an durant sur la pâte d'une toile. Van Gogh refaisait successivement plusieurs fois le même sujet. Enfin et surtout, ce n'est pas tant l'anecdote qui est dramatique clans cette peinture, où tout est drame, que la manière de peindre et 117