La Revue du Cinema (1947)

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la vision subjective des choses, c'est le tournoiement du pinceau qui a construit le soleil de ce feu d'artifice cosmique, c'est le flamboiement des cyprès, le dépliement douloureux des amandiers, la perspective démesurée d'un billard sous la lampe. C'est aussi, dira-t-on, le hurlement soutenu des jaunes, le cri des couleurs pures. Dieu merci ! les films sur la peinture ne sont encore que rarement en couleurs. Non certes que cela ne soit en principe souhaitable, mais, s'il est pardonnable de ne pas savoir se servir encore de la couleur dans les films à sujet, que serait-ce ici ! En noir et blanc, on est du moins certain de ne pas trahir le peintre puisqu'il s'agit d'une convention évidente pour tous. L'infirmité de la pellicule devient même un élément critique positif. Van Gogh, que l'on pourrait croire avant tout coloriste, révèle dans le film, comme en filigrane dans la pâte, la force indépendante de ses thèmes, la valeur profonde de ses structures matérielles, la rigueur de sa géométrie symbolique. Alors qu'aucune reproduction colorée n'aurait sans doute assez de finesse pour retenir la véritable efficacité picturale d'un Renoir, Van Gogh, dépouillé de sa couleur, laisse subsister un réseau hallucinant de nerfs et de tendons noués sur les os du monde. Mieu.x et plus sûrement que la photographie, le cinéma en noir et blanc peut radiographier la peinture et révéler quelque élément essentiel de son existence. Le film d'.A.lain Resnais, Gaston Diehl et Robert Hessens, peut donc être considéré comme une synthèse entre le film-portrait du genre Matisse ou Maillot et les films d'Emmer. II n'a en tout cas rien à voir avec des films descriptifs antérieurs comme Rodin. Seul, le cinéma pouvait permettre ces analyses, des rapprochements et cette nouvelle synthèse où J'œuvre de Van Gogh décèle peu à peu un sens (jue chaque tableau ne possédait pas individuellement. Au point de vue purement technique la « mise en scène » d'Alain Resnais reste évidemment très proche de celle de Luciano Emmer ou de celles d'André Cauvin, réalisateur de Memling, puis de Storck et Haesaerts, réalisateurs de Riibens. Elle contient pourtant deux ou trois finesses originales dont l'une au moins constitue une trouvaille capitale. Puisque la convention réaliste de la négation du cadre est au principe du film, tout ce qui contribue à confirmer la vraisemblance physique du monde pictural et la continuité indéfinie de l'espace est un progrès. Or, Storck comme Emmer n'avaient songé à rendre la profondeur que parle travelling avant et arrière. Si long qu'il fiit, il partait fatalement du plan de la toile et s'y arrêtait. L'effet est déjà parfois étonnant, ainsi dans l'admirable dernier plan du Paradis terrestre d'après Jérôme Bosch où la relativité du mouvement nous laisse croire que ce sont Adam et Eve qui s'éloignent. Mais il ne s'agit encore que d'une illusion de relief, non d'une troisième dimension. La peinture reste une surface sans envers. Sauf erreur, c'est au Van Gogh que revient le mérite d'avoir renversé ce dernier obstacle par le contre-champ à iSo degrés. Resnais le pratique deux fois, la première dans la séquence des masures. Nous voyons en « ensemble », de dos, une paysanne entrant dans sa maison; le plan suivant est un contre-champ « rapproché » de la même paysanne vue de face. Le deuxième exemple, plus impressionnant encore, vers la fin du film, est celui du raccord de deux travellings en contrechamp : d'abord, en extérieur on nous montre la maison du peintre à Arles et ensuite on cadre sur la fenêtre aux volets mi-clos ; puis le mouvement se continue en arrière dans la fameuse chambre d'amis comme si la caméra, ayant pénétré dans la pièce, poursuivait son observation. Il semble désormais impossible de réaliser des films similaires Ii8