La Revue du Cinema (1948)

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Or le lecteur lit à la vitesse de quatre-vingts pages à l'heure, et le critique est un lecteur comme les autres. Son talent consistera à retrouver, en lisant, le rythme analytique du scripteur; son génie éclatera quand, en lisant deux pages en deux minutes, ilrevivra la journée de travail que ces deux pages ont coûtée au romancier. C'est à ce prix que les paroles seront pour lui autre chose que lettre morte, que pièces démonétisées. Le critique littéraire a la possibilité matérielle de réaliser cette gageure : il tient son livre entre ses mains, la page ne s'envole pas, rien n'empêche le lecteur de revenir en arrière, etc. Si l'on compare le livre au film, on s'aperçoit que l'écart entre les deux rythmes, — le rythme de la création, le rythme de la vision, — est encore plus large, et que d'autre part la technique de la projection exclut toute réflexion, tout retour en arrière, etc. Ainsi est-on amené à conclure que la critique cinématographique, bien plus que la critique littéraire, exige à certains égards une vision très riche, une intelligence fulgurante, une intuition à la fois synthétique et analytique, bref, un génie de tous les instants. Or... Mais relisez le paragraphe 3. Le spectacle cinématographique. 11. — Le cinéma est l'art phénoménal de notre temps. J'entends par là qu'il fait partie de notre vie quotidienne et non de notre vie exceptionnelle. Il en résulte qu'on ne peut pas l'assimiler aux autres arts — la littérature, la musique, etc. — et que la position du critique cinématographique ne saurait être celle qui est commune aux critiques littéraires, musicaux, etc. Le cinéma est l'art des images mouvantes et parlantes, qui, de ces images, parvient à peupler notre vie. Il est possible que d'autres formes d'art aient connu ces périodes monstrueuses, où elles débordaient dans la vie et vice versa : le théâtre grec ou élizabéthain, l'opéra au xviii^ et au xix*^ siècles, la poésie dans la période romantique. Pour le cinéma pourtant, l'on ne peut pas imaginer qu'il s'agisse simplement d'une phase dans son évolution. Son destin est dans le devenir quotidien et constant. Et la télévision, mutatis mutandi, ne fera que multiplier ce dédoublement du monde extérieur. 12. — • Je me demande jusqu'à quel point on voit un film. Je me demande si l'on n'est pas vu par lui. Parlant du roman policier, Pierre Bost disait un jour que la perfection du genre serait atteinte le jour que l'on ferait un livre où, à la fin, on découvrirait que le criminel inconnu est le lecteur. Irréalisable sur papier imprimé, cet exploit paradoxal est réalisable sur pellicule impressionnée, grâce au film à la première personne. (En effet, la caméra est, par ailleurs, l'œil du spectateur.) Il .suffirait de tourner Le meurtre de Roger Ackroyd d'Agatha Christie. Autre guitare : je puis très bien imaginer une critique du Diable au corps écrite, mettons, par le héros du film, et où il serait question des éléments de celui-ci : Micheline Presle, Claude Autant-Lara, le public, etc. 13. Un film, c'est donc un film mais surtout un spectacle : non pas la matière inerte de ses 2.500 mètres de pellicule impressionnée, mais sa projection, les répercu.ssions de cette bande sur les spectateurs, son insertion dans l'époque, etc. 54