La Revue du Cinema (1931)

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telligence encore dominée par l'instinct et la chance. Ce fut la période la plus tumultueuse et la plus confuse de l'existence de Dorothy Mackaill. Ce fut l'époque où elle disparaissait des jours entiers pour revenir dans son bungalow dormir pendant trente heures; où, après avoir piqué une colère effarante dans le bureau du directeur de la production, elle battit la campagne à cheval si longtemps qu'à la fin sa monture creva sous elle. Ce fut l'époque où aucun personnage officiel ne put formellement établir qu'elle avait dansé nue dans une soirée pendant laquelle « les mains, les regards, les paroles des hommes en smoking l'exaspéraient ». Aucun témoin n'osa se souvenir du fait, et elle-même, qui d'ailleurs quitta l'endroit aussitôt après s'être montrée, en imposa suffisamment en laissant paraître sur son visage autoritaire une sérénité lasse et supérieure (1). Alfred Santell essaya d'utiliser cette histoire dans un film sottement morbide où la beauté fraîche de Dorothy donnait l'envie à un gâteux prématuré d'en faire une névrosée. Certaines scènes correspondaient assez au caractère de Dorothy, mais le scénario et surtout l'interprétation du maniaque (Robert Cam) et d'un monsieur puritain (Conway Tearle) étaient tellement grotesques que le film, La Danseuse de Paris, provoqua la chute de Dorothy Mackaill, actrice de drame. Depuis cette époque, 1926, elle fut la vedette de vingt films, presque tous des comédies agréables dans lesquelles opérateurs et metteurs en scène n'ont pas perdu une occasion de nous donner d'elle des images radieuses, mais en s'efforçant en même temps, d'accord avec les scénaristes et sur l'ordre des producteurs, de n'en faire qu'une charmante marionnette (2). On a refoulé cette femme magnifiquement émouvante dont les gestes, les élans et les souffrances ne devaient pas être feints, qui semblait vivre passionnément les folles aventures dans lesquelles elle était jetée. Sans doute a-t-on eu peur d'elle, ou des gens ont eu peur d'euxmêmes en face d'elle, quand on sut qu'elle était la même dans la vie et sur l'écran. Et l'on fit tout ce qu'il fallait pour la réduire à l'état de joli mannequin affriolant qui s'anime pour vous distraire une heure, mais qu'il ne faut pas prendre au sérieux; et pour qu'on ne s'y trompe pas, on l'assortit au jeune permier Jack Mulhall, qui pour être le plus adroit et le plus sympathique des calicots américains n'en reste pas moins toujours un calicot et un pantin. Dans ces rôles où n'importe quelle Alice White ou autre jolie petite flapper pouvait suffire, Dorothy Mackaill n'oublia d'ailleurs jamais de manifester sa mauvaise humeur. Les producteurs ne lui en ont jamais voulu des reproches terribles qu'elle leur a lancés (I) Il y a assez peu de temps encore, Dorothy Mackaill fut inquiétée parce qu'elle portait des vêtements masculins assez différents de son habituel costume de cheval. {') Cf. Une Nuit aux bains turcs, Passe-Passe ( Lady Be Good), Mademoiselle et son chauffeur (Children of the Rilz).