La Revue du Cinema (1931)

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LA POÉSIE DU CINÉMA par JACQUES SPITZ Il serait très satisfaisant que le cinéma n'eût pas de poésie, qu'il ne pût se prêter à la naissance d'une certaine excitation spirituelle laquelle n'est jamais qu un recours à l'artifice, bref que tout son mérite tînt dans l'effet qu'il peut produire sur un individu quelconque, entrant dans une salle quelconque pour y voir un film quelconque. Être assis dans l'ombre, et regarder. Regarder avec des yeux qui verraient comme pour la première fois cet univers qui vient à vous, s'offre à votre contemplation. Voir paraître une femme. Voir s'épanouir jusqu'à emplir l'écran, la feuille blanche et vivante de son visage. Puis, comme celui qui la serre dans ses bras, mieux que lui, se pencher sur cette face immense et, — par une sympathie mystérieuse de la chair qui ne fait plus appel à l'intermédiaire de la pensée, mais éclaire, — voir naître sur ce masque d un être 1 intraduisible filigrane qu inscrivent dans la matière les emmêlements du désir, de l'angoisse, du don. Surprendre l'étincelle première, la source de toutes choses dans son berceau de chair. Voir parler la chair muette, et comprendre immédiatement dans sa chair. Voilà ce que le cinéma, avec le concours d'un peu de naïveté, peut donner. Il n'est plus question de poésie; ou, si l'on préfère, tout est poésie. Le film le plus bête se charge d'une magie écrasante. Il suffit de savoir le regarder. Mais cet état d'âme édénique n'est pas durable. L'homme ne peut se contenter de la sensation bien robuste, bien immédiate, bien bête, qu" lui procure le contact le plus ordinaire avec une chose qui n'est pas lui-même. Tout ce qui fait appel aux sens met malheureusement en jeu la machine cérébrale, et celle-ci dès lors ne cesse d'exiger du spectacle une satisfaction plus subtile que celle procurée par la simple présence de ce spectacle. Bon gré, mal gré, il faut que les choses, au heu d'être elles-mêmes, prennent des allures d'évaporées pour se marier à la fumée de nos cervelles. Il faut que surgissent l'art, la poésie, ces blagues resplendissantes, qui réussiront toujours mais ne seront jamais que des blcg jes, et qui seront chargées de satisfaire la part impénitente, la part spirituelle de nous-mêmes, faisant renaître à force d'artifices le merveilleux qu'apportait spontanément avec soi le premier regard jeté sur la nudité des choses. Le cinéma, comme le reste, doit donc se plier à nos exigences. Nous l'embarquons dans notre bateau d'espoirs. Nous lui demandons de fabriquer la nourriture poétique dont nous n'avons pas la force de savoir nous passer. Il s'y prête tant bien que mal. Voyons comment il s'en tire. La première tentation, quand paraît un nouveau moyen d'expression, est d'en utiliser les ressources techniques pour arriver à créer des effets dont la nouveauté agit, par sa nouveauté même, de façon poétique. Ainsi, chacune des possibilités nouvelles qu'offrait le cinéma fut saluée comme étant le dernier mot de sa 38