La Revue du Cinema (1931)

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LA MODE AU CINÉMA Les Costumes de Conrad Veidt « Comme chacun sait, on appelle zombies, en magie Vaudou, des morts qui ont été volés dans les cimetières avant qu'ils soient entièrement décomposés. On les remet sur pied, on insuifle la vie à leur corps sans rappeler leur âme, on les nourrit, et on les fait travailler. Us ne pensent pas, ils ne parlent pas, ils vivent tous ensemble et obéissent aveuglément à leur maître. On les reconnaît à leurs yeux morts, à leurs gestes d'hallucinés, à leur vêtement qui les couvre entièrement et cache les premiers ravages du tombeau. On les nourrit de farine sans sel : s'ils mangeaient du sel, en effet, ils s'apercevraient de leur état et retourneraient se coucher au cimetière. Le gouvernement haïtien proscrit sévèrement l'emploi des zombies, mais comme ce sont de bons esclaves, les sorciers s'en procurent et les vendent fort cher. » En lisant cette histoire de Seabrok, dans son livre L' Ile magique, je n'ai pas pu ne pas penser à Conrad Veiot. C'est un zombie. Le docteur Caligari l'a réveillé d'entre les morts et depuis, l'âme perdue et le corps soumis, il est à la recherche de son maître. Il a perdu, du premier coup, la cellule centrale, ce qu'est le foie pour un Chinois, la rate pour un Arabe, l'âme pour un chrétien. Du premier coup, plus heureux que bien des acteurs, il a trouvé le rôle pour lequel il était créé. Gréta Garbo, Valeska Gert, Emil Jannings encore vacants, se prêtent aux différentes interprétations qu'on donne d'eux, dans une multitude de films qui, tous, tournent autour du but sans faire mouche. Sur Conrad Veidt le destin n'a pas eu à tirer plusieurs balles : il a été la première victime de Césare et c'est Césare qui a pris sa place dans tous les films qui ont suivi Caligari. Dans L' Etudiant de Prague, il vend, Faust naïf, son ombre au diable pour quelques thalers. Dans Figures de cire, il n'est qu'une poupée aux mains d'un montreur de marionnettes. Dans Rêves et hallucinations, il est la proie de hantises infernales. Dans Le Tombeau hindou, il se lie par un vœu insensé. Césare, irrésistiblement, recommence son destin. Cet homme frêle, nerveux, impressionnable qui traîne languissamment sa demi-existence blessée, attend les ordres qui lui viendront et qu'il déchiffre en tâtonnant. C'est alors « une force qui va, agent obscur et sourd de mystères funèbres », soumise aux mains des puissances supérieures, irrésistible tant qu'elles commandent et qui s'évanouit lorsqu'elles l'abandonnent. y Le seul vêtement qui convienne à Conrad Veidt c'est donc la livrée de son maître : il porte sur soi comme sur sa figure les signes du rude esclavage. La correction du costume noir convient aux serviteurs. Il n'a pas de droits sur une personnalité propre et s'efforce vers l'effacement. Comme les malades, les grands nerveux, les faibles, il se couvre chaudement. On ne devine pas le corps, jamais la nudité, jamais la chaleur de la chair véritable. A-t-il un corps? Il met à le cacher le soin qu'y apportait l'homme invisible de Wells ou le zombie pourrissant. Dans Caligari, le chandail noir fait ressortir son élégance dégagée de squelette. Création de l'esprit son vêtement schématique moisi avec lui dans la bo^te est le corps me me de sa tête pourrie aux yeux liquéfiés, à la bouche noire, à la perruque pareille à celles que l'on trouve parmi les os exhumés. Sous le chandail, il n'y a rien que la main infernale qui tire les ficelles. Oracle macabre, il est seulement noir, d'un noir retenu et pauvre, car il est roulé dans la laine et loge dans une 64