La Revue du Cinema (1931)

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la place du cœur le soufflet de bois dur et les rouages de fer. La tète de cire figée dans un désespoir ardent et féroce, sans plis, sans pores n'a que des rides peintes et des yeux émaillés. La main ornée de grosses bagues tourne la mécanique rudement, avec des à-coups et n'est pas une main vivante. La première action de l'automate libéré est un grand éclat de rire déchirant qui prélude à d'affreux forfaits. Là aussi, Conrad Veidt n'a qu'un costume, comme une poupée qu'il est. Dans Les Mains d'Orlac, il tente d'entrer dans la vie. Mais il s'en trouvait si loin qu'il s'efforce et dépasse le but. Accordée plusieurs tons trop haut, sa sensibilité n'est point celle d'un homme, mais d'un écorché. Hyperesthesié, tendu, il tente de faire durer cette apparence frénétique. Ses veines, ses nerfs, ses muscles séparés et rangés comme sur un clavier en font un modèle type de supplice chinois. On peut faire vibrer l'une et l'autre et encore l'autre douleur. Pourtant, issu de l'ombre, il ne peut frauder longtemps : son front d'hydrocéphale gonflé d'un éventail de veines repousse le feutre romantique dont on l'affuble. Sa jambe décharnée va percer les genoux du pantalon 1925. Ses mains greffées sortent de manches trop courtes pour ses longs bras de squelette. Au reste, il a l'apparence des gens qui, ne se sentant pas sûrs de leur équilibre moral — les fous, les maniaques, les ivrognes — mettent dans leur vêture comme dans leurs propos une correction minutieuse et affectée. Dans L' Etudiant de Prague et dans la suite de Rêves et hallucinations, il porte le costume 1830. Les vêtements du dandy phtysique rendent l'avatar seyant. Malgré la fantaisie que permettait l'époque, Conrad Veidt reste correct, sobre, sévère presque. C'est une stylisation du costume 1830 qu'il porte, un 1830 pour fresque. La cravate, ni les poignets ne sont ouvragés et le gilet n'a ni fleurs ni breloques. Il est vêtu de noir quand il est pauvre, de gris quand il est riche; tous ses vêtements sont coupés par larges plans et l'œil du spectateur n'y est jamais distrait ou rapetissé par un détail. Quand il est richement vêtu, il ressemble à la Mort parée qui va chez son galant. Et ici la comparaison féminine ne gêne guère. Le chapeau poilu écrase la petite tête osseuse, frisée comme celle d'une vieille coquette. Son pied est curieusement étroit et long dans des souliers à bouclettes de Danse Macabre. Et quand, dans L'Etudiant de Prague, il pense en lui-même et voit son reflet séparé de lui, ce qu'il retrouve, c'est ce que nous attendions et redoutions avec la plus grande horreur : Césare triste et tenace, à la recherche de Conrad Veidt. La nature ne lui convient pas. Il ne saurait habiter que les lieux créés par l'esprit qui l'anima : la chambre hantée de l'Etudiant, le manoir éclairé d'une clarté singulière où, à la nuit, le reçoit son ombre, la chambre d'hôtel où la peste a passé, ou bien la boutique plate de Caligari. Devant un arbre réel, on pense qu'il va s'effacer, arrêter son geste, perdre sa tête. Dans L' Etudiant de Prague, il se bat en duel, au milieu d'une prairie dont sa présence fait douter : il est en chemise blanche hermétiquement fermée, pantalon noir, plus grand que nature comme un pendu. Dans Le Tombeau hindou, quelle imagination l'a donc pu coiffer d'un parasol surmonté d'artichauts, le vêtir d'étoffe de cuivre, le faire bruire de reflets durs, bourdonner de rythmes et de frissons de cymbale? Il n'est plus que le « spectre ou saigne encore la place de l'amour ». Son sourire noir ne s'anime que pour la vengeance et la cruauté. L'affaire qu'il vit ne le concerne pas et tout n'est que prétexte à tuer. L'Homme qui rit, son plus mauvais film le mêle a un texte si lourd, à une grimace si lassante et a des modes si différentes de ce qu'il est, que, s'il n'y avait été mauvais, on eût pu dire : « Qui sait? Peut-être, après tout, vivra-t-il? » Mais qui assure même qu'il ait été jadis vivant? L'Allemagne orgueilleuse de ses chimistes aime l'idée qui perdit les anges et Prométhée : créer un homme. Son histoire littéraire et cinégraphique présente bien des essais de ce genre : le Golem. et la femme d'acier, de Mclropolis, étaient certes des créations humaines plus viables que Conrad Veidt. Ils étaient neufs, issus d'eux-mêmes, sans épuisantes figurations antérieures et leur vie était simple et puissante. Conrad Veidt est si las qu'on pense qu'il a déjà vécu et la vie de ses ancêtres et la sienne propre, puis est mort. On l'oblige 66