La Revue du Cinema (1931)

. U F A — A. C. E. Rosa et le patron de "L'Ange Bleu ". A peine et't-il cette certitude qu'Unrat se leva d'un bond. Il avait l'impression d'avoir perdu la tête pendant un instant et qu'aussitôt les élèveo allaient tirer parti de cette défaillance. Il bouscula deux soldats, se fraya un chemin entre les tables, se précipita en avant. Des ouvriers qui consommaient essayèrent d'entraver son avance. L'un d'eux, sans autre procès, fit c lbuter son chapeau; Unrat le réassujettit tant bien que mal. Kieselack, dans son coin, riait aux éclats et la joie le secouait si fort que le haut de son corps tomba en avant. Unrat ht encore un pas en avant ; ses mâchoires cognaient en signe de détresse grandissante, mais on l'empêchait toujours d'avancer. Il avait renversé le verre d a cool d'un marin, il fallut qu'il le remboursât. Il s'élança, épouvanté par le spectacle de tant de débauche, les yeux toujours fixés sur Kieselack qui continuait à rire: il butta alors contre une chose molle et ses yeux rencontrèrent le reg rd courroucé d'une femme, trop légèrement vêtue d'un manteau du soir brun largement ouvert. Un homme marquant mal, aux cheveux soigneusement lissés et vêtu par-dessus son tricot d'un veston miteux, vint à la rescousse pour l'injurier Unrat avait heurté la sébille de la femme et tout l'argent avait roulé à terre. Il dut se bais, er comme les autres, il cherchait au hasard, le regard perdu. Les gens piétinaient le sol tout autour de sa tête, on le honnissait, on le raillait, on l'envoyait au diable, et des mains se posaient effrontément sur lui. Il se releva enfin le visage empourpré, une pièce de deux pfenni entre les doigts. Il respirait court et ses yeux s rutaient avec angoisse toutes ces figures hostiles. Il se sentait — pour la seconde fois aujourd'hui — fouetté au visage par un vent de révolte. Il commença à gesticuler en tous sens comme s'il luttait contre d'innombrables assaillants. Il aperçut alors Kieselack, appuyé sur le piano, tout le corps secoué par l'hilarité. Maintenant, Unrat entendait même le bruit de son rire. Comme le tyran qui voit la populace envahir son palais et piller ses trésors, il fut pris de vertige. A cette minute, tout acte de violence lui e t paru légitime. Il ne connaissait plus de mesure. — Au cachot au cachot! (I) s'écria-t-il, et sa voix sombra dans les profondeurs. Kieselack, en le voyant approcher, disparut dans 1 1 p rte qui s était ouverte près de 1 estrade. En un clin d'oeil, Unrat fut sur ses traces. Il aperçut un rideau cramoisi d'où jaillissait un bras, il voulut s'en saisir, mais tandis que Unrat le guettait, Kieselack, d'un bond, avait franchi to' te la scène. Unrat aperçut alors distinctement une autre personne qui s'engouffrait dans l'entrée. Il avait eu juste le temps de le reconnaître : Von Ertzum. Unrat se hissa sur la pointe des pieds mais la fenêtre était trop haute. Il essaya de se hausser davantage et tandis qu'il prenait un point d'appui sur ses coudes, il entendit, derrière lui, une voix claire : — Hardi, un peu de courage ! Vous êtes encore jeune et vigoureux ! (I) Il s'ayit du carhol de l'école. Voir le numéro du Ie' décem' re ce la Revue du Cinéma. 7 5