La Revue du Cinema (1931)

Record Details:

Something wrong or inaccurate about this page? Let us Know!

Thanks for helping us continually improve the quality of the Lantern search engine for all of our users! We have millions of scanned pages, so user reports are incredibly helpful for us to identify places where we can improve and update the metadata.

Please describe the issue below, and click "Submit" to send your comments to our team! If you'd prefer, you can also send us an email to mhdl@commarts.wisc.edu with your comments.




We use Optical Character Recognition (OCR) during our scanning and processing workflow to make the content of each page searchable. You can view the automatically generated text below as well as copy and paste individual pieces of text to quote in your own work.

Text recognition is never 100% accurate. Many parts of the scanned page may not be reflected in the OCR text output, including: images, page layout, certain fonts or handwriting.

Il tomba lourdement, se retourna : la femme multicolore était devant lui. Unrat^la contempla un moment. Ses mâchoires cognaient: il gardait le silence. Enfin, il put articuler : — Mais... n'êtes-vous pas... mademoiselle Frclich? — Mais bien sûr, dit-elle. Unrat en était sûr. — Et vous exercez votre art dans cette auberge? Il voulait qu'elle le lui confirmât elle-même. — Voilà une question o îginale ! répondit-elle. — Et, alors... Unrat reprit haleine; il désigna derrière lui la fenêtre par laquelle Kieselack et Von Ertzum s'étaient échappés — Dites-moi — encore ceci : est-ce que vous devriez, vraiment... — Mais que voulez-vous dire? fit-elle étonnée. — Ce sont des écoliers, dit Unrat. Puis, tressaillant jusqu'au fond de sa poitrine, il répéta : « Ce sont des écoliers ». — Possible, mais ce n'est pas mon affaire. Elle riait. Unrat éclata. — Et vous les détournez de l'école et du droit chemin. Vous les enjôlez ! La Frolich avait cessé de rire, et dirigeant la pointe de son index contre sa pcitrine : — Moi? Mais vous êtes un peu fou? — Est-ce que vous nieriez par hasard? dit Unrat engageant la lutte. — Nier? Et devant qui donc? Dieu merci, je n'en ai pas besoin. Je suis une artiste, il me semble. Je devrais peut-être aussi vous demander la permission de me faire offrir des fleurs par les messieurs? Elle désignait dans un recoin son miroir incliné et décoré à droite et à gauche de deux gros bouquets. Elle haussa les épaules : — S'il faut encore se priver de ça! Vous... mais qui êtes-vous, après tout? — Je... je suis leur professeur, dit Unrat, comme s'il énonçait une des lois fondamentales de l'univers. — Alors, dit-elle conciliante, vous êtes aussi indifférent que moi aux ébats de ces jeunes gens? Unrat ne partageait pas cette façon de voir. — Je vous conseille, dit-il, à vous et à vos compagnons, de quitter cette ville, d'aller à plusieurs journées d'ici, sans quoi — il éleva la voix — je m'efforcerai, au moins, de faire surgir mille difficultés sous vos pas, si je ne puis entraver toute votre carrière. Et je ferai en sorte, je vous l'affirme, que la police mette le nez dans vos affaires. Une expression de franc mépris apparut brusquement sur le visage de Rosa Frolich : — Essayez toujours ! Je suis en règle avec la police. Et puis, vous me faites vraiment de la peine, vous. Mais son visage exprimait moins de compassion que de colère. — Vous trouvez que vous ne vous êtes pas encore rendu assez ridicule? Vous voulez encore prendre des airs de mascarade? Et allez-y donc à la police c'est vous qu'on retiendra, et solidement !... Et avec quel accent il nous a fait cette déclaration ! Cela semble assez comique quand on est habitué aux bonnes manières des gentilshommes. Que dînez-vous si je lâchais sur vous un de mes amis officiers? Il vous rosserait tout bonnement... Ici, elle prit une figure compatissante et réjouie. Unrat, tandis qu'elle parlait, avait d'abord tenté de prononcer quelques paroles. Peu à peu, les pensées qu'il voulait exprimer et qui affluaient déjà à ses lèvres, brisées dans leur élan, étaient retombées au fond de lui-même, s'étaient perdues dans les profondeurs. II savait bien qu il ne se trouvait pas en présence d'un élève en rupture de ban et qu'il pourrait, toute sa vie durant, comme la plupart des habitants de la ville, tenir sous sa férule. Non, c'était un être nouveau. Il se dégageait soudain, après coup, de toutes les paroles qu elle avait prononcées depuis leur rencontre, une atmosphère déconcertante : un souffle perturbateur. Cette femme avait un pouvoir étrange. Il était incapable de la moindre riposte. Il sentait naître en lui des sentiments contradictoires; il éprouvait une sorte de respect. — Et puis — après tout !... dit-elle avec dédain, brisant là, et lui tournant le dos. Le piano avait repris. La porte s'ouvrit pour laisser passer la femme que Unrat avait bousculée et son mari, puis se referma brusquement. La femme posa la sébille sur la table. Son manteau du soir ondoyait en plis maussades. — Pas quatre marks, dit l'homme, sordides canailles ! Rosa Frôhch, mordante, répartit sur un ton glacial : — Voilà un monsieur qui veut aller se plaindre de nous à la police. Unrat balbutiait, terrorisé par la supériorité de leurs forces. La femme se retourna d'un seul coup et le considéra. 74